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52 OEuVRES DE DeSC\RTES.

��65-66.

��diftindement font vrayes. Et quoy que ie ne l'euffe pas demonftré, toutefois la nature de mon efprit elt telle, que ie ne me fçaurois empefcher de les eftimer vrayes, pendant que ie les conçoy claire- ment & diftinétement. Et ie me reflbuuiens que, lors mefme que i'eftois encore fortement attaché aux objeds des fens, i'auois tenu au nombre des plus confiantes veritez celles que ie conceuois clai- rement & diftinclement touchant les figures, les nombres, & les autres chofes qui appartiennent à l'Arithmétique & à la Géométrie. Or maintenant, fi de cela feul que ie puis tirer de ma penfée l'idée de quelque chofe, il s'enfuit que tout ce que ie reconnois claire- ment & diftindement appartenir à cette chofe, luy appartient en effeft, ne puis-je pas tirer de cecy vn argument & vne preuue de- monftratiue de l'exiftence de Dieu ? Il efl certain que ie ne trouue pas moins en moy fon idée, c'eft à dire l'idée d'vn eftre fouueraine- ment parfait, que celle de quelque figure ou de quelque nombre

79 que ce foit. Et iê ne connois pas moins clairement & | diltindement qu'vne a6luelle & éternelle exiftence appartient à fa nature, que ie connois que tout ce que ie puis demonftrer de quelque figure ou de quelque nombre, appartient véritablement à la nature de cette figure ou de ce nombre. Et partant, encore que tout ce que i'ay conclu dans les Méditations précédentes, ne fe trouuafl: point veri- lable, l'exiftence de Dieu doit palier en mon efprit au moins pour auffi certaine, que i'ay eftimé iufques icy toutes les veritez des Ma- thématiques, qui ne regardent que les nombres & les figures : |bien qu'à la vérité cela ne paroiffe pas d'abord entièrement manifefte, mais femble auoir quelque apparence de fophifme. Car ayant ac- couftumé dans toutes les autres choies de faire diftinclion entre l'exiftence & l'effence, ie me perfuade ayfement que l'exiftence peut eftre feparée de l'effence de Dieu, & qu'ainfi on peut conceuoir Dieu comme n'eftant pas a6luellement. Mais neantmoins, lorfque i'y penfe auec plus d'attention, ie trouue manifeftement que l'exi- ftence ne peut non plus eftre feparée de l'elfence de Dieu, que de l'effence d'vn triangle redliligne la grandeur de fes trois angles égaux à deux droits, ou bien de l'idée d'vne montagne l'idée d'vne valée ; en forte qu'il n'y a pas moins de répugnance de conceuoir vn Dieu (c'eft à dire vn eftre fouuerainement parfait) auquel manque l'exiftence (c'eft à dire auquel manque quelque perfeftion), que de conceuoir vne montagne qui n'ait point de valée.

80 Mais encore qu'en effed ie ne puiffe pas conce|uoir vn Dieu fans exiftence, non plus qu vne montagne fans valée, toutesfois, comme de cela leul que ie conçoy vne montagne auec vne valée, il ne s'en.

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