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68 Œuvres de Descartes. ss-se.

mination, laquelle dépend entièrement de ma penfée, qui compare 107 vn homme malade & | vne horloge mal faite, auec l'idée que i'ay d'vn homme fain & d'vne horloge bien faite, & laquelle ne fignifie rien qui fe retrouue en la chofe dont elle fe dit ; au lieu que, par l'autre façon d'expliquer la nature, i'entens quelque chofe qui fe rencontre véritablement dans les chofes, & partant qui n'eft point fans quelque vérité.

Mais certes, quoy qu'au regard du corps hydropique, ce ne foit qu'vne dénomination extérieure, lors qu'on dit que fa nature eft cor- rompue, en ce que, fans auoir befoin de boire, il ne laide pas d'auoir le gozier fec & aride ; toutesfois, au regard de tout le compozé, c'eft à dire de l'efprit ou de l'ame vnie à ce corps, ce n'eft pas vne pure dénomination, mais bien vne véritable erreur de nature, en ce qu'il a foif, lorfqu'ii luy eft tres-nuifible de boire ; & partant, il refte encore à examiner comment la bonté de Dieu n'empefche pas que la nature de l'homme, prife de cette forte, foit fautiue & trompeufe.

Pour commencer donc cet examen, ie remarque icy, première- ment, qu'il y a vne grande différence entre l'efprit & le corps, en ce que le corps, de fa nature, eft toufiours diuifible, & que l'efprit eft entièrement | indiuifible. Car en effed, lors que ie confidere mon efprit, c'eft à dire moy-mefme en tant que ie fuis feulement vne chofe qui penfe, ie n'y puis diftinguer aucunes parties, mais ie me conçoy comme vne chofe feule & entière. Et quoy que tout l'efprit femble eftre vny à tout le corps, toutesfois vn pied, ou vn bras, 108 ou quelqu'autre partie ] eftant féparce de mon corps, il eft certain que pour cela il n'y aura rien de retranché de mon efprit. Et les facultez de vouloir, de fentir, de conceuoir &c., ne peuuent pas proprement eftre dites les parties : car le mefme efprit s'emploie tout entier à vouloir, & aulli tout entier à fentir, à conceuoir &c. Mais c'eft tout le contraire dans les chofes ' corporelles ou eftenduës : car il n'y en a pas vne que ie ne mette aifement en pièces par ma penfée, que *■ mon efprit nediuife fort facilement en plufieurs parties, & par confequent que ie ne connoiffe eftre diuifible. Ce qui fuffiroit pour m'enfeigner que l'efprit ou l'ame de l'homme eft entièrement ditîerente du corps, fi ie ne l'auois deiia d'ailleurs aftez appris.

a '< des choses » (; édit.). Errata : « dans les choses ».

b. Que] ou que \3' édit.). — Mais cette incise « que. . . parties » semble être une retouche (faite par Descartes?) de celle qui préccclc <■ que... pensée », et qui aurait dû être supprimée.

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