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DLXXXVI. — lo. Février 1650. 491

» devant le malade, à cause que l'entretien de M. Weulles l'avoit irrité. » C'étoit M. l'Ambassadeur et Madame sa femme qui étoient les média- » teurs de l'affaire. Ils rapportoient aux Médecins l'état où il étoit, ensuite » ils luy faisoient agréer le mieux qu'il leur éioit possible les remèdes que » les Médecins ordonnoient. Mais sur le rapport qu'ils leur firent en » dernier lieu, M. Weulles ne fit point difficulté de le condamner dés le » sixième jour. Pendant tout ce têms de transport, ceux qui l'appro- » choient, remarquèrent une singularité assez particulière pour un » homme que plusieurs croyoient n'avoir eu la tête remplie, toute sa vie, » que de Philosophie et de Mathématiques [en marge: Clersel. préfat. » etc. Réiat. Mss. du même. Item lettr. Ms. du même, de Viogué à l'Abbé ■0 le Roy.], c'est que toutes ses rêveries ne tendoient qu'à la piété, et ne re- » gardoient que les grandeurs de Dieu et la misère de l'homme. M. l'.A.m- » bassadeur assura la Princesse Elizabeth [en Marge : Lett. M S. de » Chanut à la Princesse Eliz. du i6 Avril i65o] que, pendant tout le têms » que la fièvre luy fit suspendre l'usage de sa raison, elle luy ôta bien le » sentiment de son mal, mais qu'elle ne luy causa jamais le moindre » égarement dans ses discours, tant ses rêveries étoient suivies. Sur la fin » du septième jour, la chaleur quita le cerveau pour se répandre par tout » le corps : ce qui le rendit un peu plus le maître de sa tête et de sa raison. » Alors il ouvrit les yeux sur son état, et il commença, pour la première » fois, à sentir la fièvre, au huitième jour de sa maladie. Il reconnut sur » l'heure qu'il s'ètoit trompé, il marqua la cause de son erreur; et il » témoigna sans détour à Monsieur et à Madame Chanut, que la soû- » mission qu'il avoit pour les ordres de Dieu luy faisoit croire que ce » souverain arbitre de la vie et de la mort avoit permis que son esprit » demeurât si long-têms embarrassé dans les ténèbres, de peur que ses » raisonnemens ne se trouvassent pas assez conformes à la volonté que le » Créateur avoit de disposer de sa vie. Il conclud que, puisque Dieu luy » rendoit l'usage libre de sa raison, il luy permettoit par conséquent de » suivre ce qu'elle luy dictoit, pourvu qu'il s'abstint de vouloir pénétrer » trop curieusement da'ns ses décrets, et de faire paroître de l'inquiétude » pour l'événement. C'est pourquoy il se fit saigner, de son propre mouve- » ment, par le chirurgien de M. l'Ambassadeur vers les huit heures du » matin. [En marge: Lett. MS. de Chanut à Picot. Rélat. de M. Picques. » Rélat. de M. Belin.] Une heure après, lorsque le Médecin ètoit dans la » chambre de M. Chanut, et qu'ils consultoient ensemble sur l'état du » malade, il envoya dire à M. Chanut qu'il souhaiteroit de réitérer la » saignée, sur ce que M. Picques Secrétaire de l'Ambassade et M. Belin » Secrétaire de M. l'Ambassadeur luy avoient dit que le sang qu'on luy » avoit tiré n'étoit que de l'huile. Le Médecin ne fit pas difficulté d'y con- » sentir, quoique M. Chanut [en marge: Lettr. Ms. à la Princ. Eliz. et à » Picot] et luy jugeassent tous deux, par la première saignée, que ce » remède étoit désormais bien tardif. En effet M. Chanut étant entré » incontinent aprésdans sa chambre, trouvaque ces deux saignées, quoique

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