Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, V.djvu/652

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��Préfaces de Clerselier, (w)

��» tenir de fes fonges & de les rêveries : il me fuffit, pour moy, que » fes fables me paroiffent plus vray-femblables que tout ce que les » autres nous débitent pour des veritez, & que fes rêveries foient » fi ingenieufes & fi bien j liées les vnes aux autres, & mefme auec » vne fuite & vn enchaifnement de penfées fi iufte, que les plus » longues veilles des plus ftudieux n'ont, ce me femble, produit » iufques icy aucun ouurage qui foit comparable à fes fonges. »

K lamais homme a-t'il mieux rêvé, que lors que, dans fes Medi- » tations Metaphyfiques, il nous a clairement fait connoiftre la » diflindion réelle qui efl entre l'Ame. & le Corps; & lors que, » pouflant plus loin fes penfées pour eftendre de plus en plus fes » connoiffances, il a déduit & demonftré l'exiftence de Dieu par vn » argument fi conuaincant & fi naturel, que nous nous feruons » tous les iours fans y penfer d'vn femblable, & mefme nous n'en » auons point d'autre, pour nous affurer de l'exiftence de tous les » Eftres qui font dans le monde. »

« Quand il auroit médité toute fa vie pour tafcher à découurir la » nature & les proprietez des Météores, & pour rendre raifon de » tous leurs effets ; quand il auroit feuillette tous les Hures des » Anciens pour s'en inftruire; quand il auroit appris tout ce que )) l'on en monftre publiquement dans les écoles ; & enfin quand il » auroit veu tout ce qu'Ariflote & fes Sectateurs en ont écrit; il n'en )> auroit lamais tant fceu, il ne les auroit iamais fi bien compris, & » n'auroit iamais mieux rencontré, qu'il a fait dans fes fonges & )) fes rêveries. »

« Et c'eft peut-eftre pour cette raifon qu'vn des plus habiles de » nos Poètes", ayant à faire infi:ruire par vn ange le grand Charles, )) de tous les effets de la Nature que l'on voit icy bas, dans ce beau » Poëme qu'il a nagueres mis au iour, fous le nom de Charlemagne » ou de l'Eglife vangée, a iugé ne pouuoir mieux faire, que de » mettre dans la bouche de cet ange les mefmes penfées qui » s'eftoient autrefois prefentées comme d'elles-mefmes à l'efprit de » Monfieur Defcartes, & de faire voir à fon Charles, en vifion, les » vifions qu'il auoit eues. En quoy il a fi bien retifll, que ie ne penfe » pas que Monfieur Defcartes luy-mefme, fi fon génie l'euft porté à » s'exprimer dans ce genre d'écrire, euft pu s'expliquer mieux qu'il » a fait; et mefme i'adjoùteray que, comme les chofes qu'il dit » femblent fortir de la bouche d'vn ange, elles impriment plus de

a. « Louis Le Laboureur, bailly du duché de Montmorency, dans son » poème intitulé Charlemagne, p. 68 et saluantes. » {Inst.)

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