Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, V.djvu/70

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nombre ; ils ne rendent point moindres ceux que nous polîedons. Au contraire, lors que nous aimons Dieu, & que par luy nous nous ioignons de volonté auec toutes les chofes qu'il a créées, d'autant que nous les coiiceuons plus grandes, plus nobles, plus parfaites, 5 d'autant nous eftimons nous aulîi dauantage, à caufe I que nous fommes des parties d'vn tout plus accom- ply; & d'autant auons nous plus de fuiet de louer Dieu, à caufe de l'immenfité de fes œuures. Lors que l'Ecriture fainte parle en diuers endroits de la multi- 10 tude innombrable des Anges, elle confirme entière- ment cette opinion : car nous iugeons que les moindres Anges font incomparablement plus parfaits que les hommes. Et les Aflronomes, qui, en mefurant la gran- deur des étoiles, les trouuent beaucoup plus grandes i5 que la terre, la confirment aufiTi : car fi, de l'étendue indéfinie du monde, on infère qu'il doit y auoir des habitans ailleurs qu'en la terre, on le peut inférer aufi!t de l'étendue que tous les Aftronomes luy attribuent ; à caufe qu'il n'y en a aucun qui ne iuge que la terre 20 ei\ plus petite au regard de tout le Ciel, que n'eft vu grain de fable au regard d'vne montagne.


Ie paſſe maintenant à voſtre queſtion, touchant les cauſes qui nous incitent ſouuent à aimer une perſonne plutoſt qu'une autre, auant que nous en connoiſſions le mérite ;& i'en remarque deux, qui ſont, l'vne dans l'eſprit, & l'autre dans le corps. Mais pour celle qui n'eſt que dans l'eſprit, elle preſuppoſe tant de choſes touchant la nature de nos âmes, que ie n'oſerais entreprendre de les déduire dans vne lettre. Ie parleray ſeulement de celle du corps. Elle conſiſte dans la diſpo-