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Période de Jeunesse. 69

doute en mai 1625*. Du Mont-Cenis, il descendit en Savoie, se rendit à Lyon, et revint d'abord en Poitou : une lettre à son père est datée de là, le 24 juin 1625.

Quelles impressions rapportait-il de son voyage en Italie ? Le regret, semble-t-il, de ne pouvoir pas y passer sa vie. Il y pensera sérieusement, en effet : nulle part il ne trouverait autant de facilités d'études ; l'Italie était alors le pays du monde où l'on comptait le plus de savants et où la science était le plus en honneur. N'était-ce pas aussi, comme dira Balzac, ot le pays des orangers -^ » ? Mais précisément Descartes redoute la chaleur, dont aucun ombrage, ni éventail, aucune fontaine n'a pu le garantir à Rome. Il fait trop chaud pendant le jour, et la fraîcheur du soir est malsaine; enfin la police est insuffisante, surtout la nuit, où coupe-bourses et coupe-jarrets opèrent trop librement. Descartes, qui aime sa tranquillité, sera autrement satisfait de la Hollande. Mais retenons ceci : la question de religion ne fut pour rien dans ce qui l'attira en un pays ou le détourna d'un autre. Le catholicisme de l'Italie, bien qu'hostile à Galilée (hostile à demi, seulement jusqu'en i633), ne l'inquiétait pas, tant sa conscience se sentait en sûreté de ce côté-là. Pourtant il continuait à se défaire de tout préjugé, au moins dans le domaine de la spéculation, pous- sant hardiment sa pointe beaucoup plus loin qu'on n'avait jamais fait avant lui, et ne craignant pas d'atteindre les extrêmes limites du scepticisme.

Dans ces conditions, pensa-t-il jamais sérieusement à s'éta- blir en France, à acheter une charge et à se marier ? Baillet raconte que l'occasion se présenta pour lui de devenir lieute- nant général à Chàtellerault, mais que le prix de 5o.ooo livres l'effraya : ne pouvant pas y mettre du sien plus de So.ooo livres, il déclina pour le surplus les offres obligeantes d'un ami ^. Ceci

a. Tome VI, p. 3i6, 1. i5-22.

b. Tome I. p. 4-5.

c. Ibid., p. 201, 1. lo-i I, et p. 202-204. Tome II, p. 623, 1. 22-3o.

d. Tome I. p. 4-5. Le grand-père maternel de Descartes, René Bro- chard, avait été déjà lieutenant général à Poitiers. Voir ci-avant, p. 5.

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