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En Hollande.

et autres bagatelles[1] ». Plus tard, en 1638, il se moquera du vœu de Louis XIII (vouant la France à Notre-Dame), mauvaise affaire, selon lui, si les Espagnols s'avisaient par contre de se vouer à Jésus-Christ, qui doit être plus puissant que sa mère[2]. Nous sommes loin de Descartes, dont Saumaise dira d'ailleurs, pour l'avoir vu à Leyde en 1637, que c'était un catholique, et « des plus zélés[3] ». Nous verrons, en effet, notre philosophe, fidèle à la règle de conduite qu'il s'était tracée, choisir toujours avec soin les endroits où l'on pratiquait le catholicisme. À cet égard, les Provinces-Unies comprenaient trois évéchés, Leuwarden, Groningue et Harlem, avec un archevêque résidant à Utrecht. Au début de son séjour en Hollande, Descartes s'installa d'abord, entre Leuwarden et Groningue, à Franeker, où il y avait, outre les prêtres ordinaires, au moins deux religieux, un Franciscain et un Jésuite, naturellement en rivalité. À Leyde, où il demeura à deux reprises, en 1636-1637 et en 1640-1642, Saumaise nous dit que « quantité de catholiques s'y trouvaient,

  1. Guy Patin écrira plus tard, le 19 déc. 1671 : « M. Saumaise s'étoit fait de romain huguenot, & disoit qu'il s'étonnoit de ce que tous les gens d'esprit ne faisoient pas de mème, vu que c'étoit une religion fort commode, qu'on n'y alloit point à confesse, qu'il n'y avoit point de purgatoire, de prêtres & de moines, grands coupeurs de bourse, in nomine Domini, ni de pape, ni de chapelets, ni de grains bénits & autres bagatelles.» (Lettres, édit. 1846, t. III, p. 794.)
  2. Saumaise à M. du Puy, loc. cit. : « À Leyden, ce 18 Avril 1638.
    » Monsieur, Vostre lettre du 10 Avril m'a esté rendue avec la déclaration qui soubmet le Roi & le Roiaume à la saincte Vierge, dont je vous remercie ; & encore que vous ne vouliés que je vous en donne mon jugement, devant plustost en qualité d'heretique me contenir dans le silence, je ne lairrai pas de vous dire que, s'il prenoit envie aux Espagnols de soubmettre leur Roi & leur Estat à Jesus Christ, comme nous l'avons fait à sa mère, je trouverois que nous serions les plus sots & nostre parti me sembleroit bien le plus foible. Les victoires de Weimar me donnoient bonne esperance de nos affaires ; mais je commence à present d'en desesperer, après une telle protection. C’est parler en heretique cela, voire bruslable. Au lieu de l'aucteur, que vous ne tenés pas, vous brusleres la lettre, si vous voulés. Mais je n'ai pas pu me tenir de vous dire ce petit mot en passant... » {Fol. 169.)
  3. Tome X, p. 554-555.