Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/177

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nécessairement; et on voit combien une telle doctrine est dan- gereuse. Non seulement Dieu se trouve assujetti au Styx ou au Fatum, comme un Saturne ou un Jupiter antique* ; mais le philosophe moderne, qui soutient pareille thèse, risque d'être confondu avec Jordano Bruno, qui enseignait l'infinité des mondes. Cette infinité est, en eflret, conçue par l'entende- ment infini de Dieu ; elle est donc réalisée nécessairement par sa puissance ou sa volonté infinie également. A quoi les théologiens n'avaient rien à répondre, sinon : que la liberté divine tempère cette infinie puissance, et la restreint à la création de ce monde seulement. C'est la réponse de Mersenne à Jordano Bruno, dans V Impiété des Déistes ren- versée^, et Descartes sera pleinement d'accord là-dessus avec Mersenne.

Le dogme de la création devient, par cette doctrine de la liberté divine, un dogme philosophique. Descartes l'étend à

a. Tome I, p. 147. 1. 7 ; p. 149, 1. 2 i ; et p. i5i-i53.

b. « . . .Bien que les fens ne fe portent que iufques aux eftoiles, neant- » moins la raifon nous monftre, difoit-il, qu'il y a vn efpace infiny hors la » conuexité du premier mobile, lequel a vne aptitude & capacité infinie » de contenir, puis que la caufe efficiente a vne puiffance infinie. » — A quoi le Théologien répond : « C'eft fort mal raifonné de conclurre vn » effet infiny d'vne caufe infinie, lors que la caufe n'agit pas neceffaire- » ment, mais librement. . . » (P. 283-284.)

« ...Si loft... qu'il eut apperceu que ie voulois conclurre que le » monde eft finy (car bien que Dieu ait vne puiffance de créer infinie, » neantmoins quant à l'effet il l'a tempérée par fa volonté, & l'a reftrainie » à la produiflion de ce monde feul, car il en pouuoit créer vne infinité) : » il refpondit incontinent que mal à propos la diuine volonté eft fuppofee » régler, modifier, & déterminer la puiffance diuine, & que de cette » maxime fuiuent infinies abfurditez en la Philofophie; & mefme que les » Théologiens n'admettront iamais qu'vn attribut dépende de l'autre. . . » [Impieté des Deijles renuerjee, 1624, t. II, p. 289-290.)

« ...C'eft lordan Brun qui a donné fujet à quantité d'efprits foibles & » légers, dans fon traité del infinito vniuerfo, de croire que le monde » eftoii infiny, ou qu'il y auoit vne infinité de mondes dans cet Vnruers, » parce qu'il penfoit, ou du moins s'eft efforcé de perfuader par quelques » paralogifmes, que Dieu agiffoit neceffairement; mais ce fondement » eftant très-faux, toutes les imaginations phantafques s'en vont par » terre. . . » (Page 299-300.1

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