Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/256

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des problèmes que, somme toute, ni Viète ni aucun de ses disciples n’avaient encore résolus.

Nous ne pouvons pas ici examiner, et encore moins discuter, une à une, toutes les règles que donne Descartes pour les équations : combien de racines en chacune de celles-ci ; distinction des vraies et des fausses racines ; changement des fausses en vraies, et réciproquement ; moyens d’augmenter ou de diminuer la valeur des racines ; moyens de les rendre toutes vraies ; comment on supprime le second terme d’une équation, et comment on supplée aux termes manquants ; distinction des racines réelles et imaginaires, etc.[1]. Notre philosophe donne une théorie complète « de la nature des équations », laquelle, dit-il (et ceci paraît encore une réponse aux critiques qu’on lui avait adressées en alléguant Viète), « laquelle n’a jamais été, que je sache, assez expliquée ailleurs[2] ». Si en effet, dans le détail, telle ou telle règle peut paraître empruntée à Viète (bien que Descartes y mette aussi sa marque personnelle), il se montre bien lui-même, et là n’est véritablement que lui, dans l’ensemble, dans sa façon originale de réunir les différentes parties en un seul et même tout, en un système. Ce mérite qu’on ne saurait lui contester, il s’en rendait compte parfaitement. Plus tard, il l’opposera tacitement à celui de Viète, dont la doctrine, dit-il, a besoin que quelque savant homme la mette « par ordre » ; car les écrits de ce « très excellent mathématicien » ne sont que « des pièces détachées, qui ne composent point un corps parfait[3] ». Aussi, plus tard encore, en 1646, lorsque Mersenne lui offrit un exemplaire, et même plusieurs, s’il voulait, de la nouvelle édition de Viète, qui venait de paraître, grâce à lui, à Leyde, chez les Elzeviers, notre philosophe remercia, c’est-à-dire refusa, en ces termes : « S’il vous plaît », dit-il à son ami, « d’obliger quelque autre en lui donnant le livre que vous m’offrez, je m’en pourrai fort bien passer »,

  1. Tome VI, p. 444-454.
  2. Tome I, p. 490, l. 8-11.
  3. Tome IV, p. 228, l. 10-19 : lettre de juin 1645.