Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/305

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Mersenne en confidence[1]. On retrouve ici ce goût de la mystification, que nous avons déjà noté chez notre philosophe. Mais il avait bien calculé : Roberval ne reconnut pas la courbe ; il ne comprit même pas toute la démonstration de la tangente envoyée le 23 août. Descartes se montra bon prince : il ajouta une explication, le 15 novembre[2]. Il triomphait, et peut-être même un peu trop. Fermât avait fini par trouver aussi une démonstration de la tangente demandée. Mais Descartes ne voulut pas croire que ce fût par son ancienne méthode, sinon corrigée suivant les indications que lui-même avait données ; ce n’était plus alors la méthode de Fermat, mais bien la sienne propre, qui réussissait[3].

Un triomphe incontestable lui était réservé ailleurs. Il avait reçu comme un renfort inattendu d’un autre mathématicien de province, Florimond Debeaune, en sa petite ville de Blois. Ce dernier s’étonna que les géomètres de Paris ne fussent pas capables au moins de développer l’équation du galand, qui leur avait été envoyée. Il l’écrivit à Mersenne, dans une lettre du 26 février 1639[4], annonçant qu’il s’était mis lui-même à ce travail et qu’il comptait bien le mener à bonne fin. En effet, le 3 avril, il l’envoyait à Mersenne, pour le faire voir à Roberval d’abord, ensuite à Descartes[5]. Notre philosophe ne pouvait souhaiter un plus beau couronnement à ce petit épisode de sa vie scientifique : d’autant plus que Debeaune n’avait eu besoin, lui aussi, que d’un quart d’heure, disait-il, pour développer cette équation : encore l’avait-il expliquée tout au long, et sans la brièveté coutumière de Descartes[6] De même, pour une

  1. Tome II, p. 316-317, et p. 336, l. 6-10.
  2. Ibid., p. 425-426.
  3. Ibid., p. 272-273 : lettre du 27 juillet. Pourtant voir aussi l’opinion de Paul Tannery, p. 279.
  4. Tome V, p. 532.
  5. Ibid., p. 539-540.
  6. Ibid., p. 532 et p. 542. Voir t. II, p. 427, l. 4-6, et antérieurement, p. 317-320 et p. 394-395. Et encore plus tard, t. IV, p. 550, l. 9-13 : du 2 nov. 1646.