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Méditations. J17

sophe, est la question religieuse de l'âme et de Dieu. Mais Descartes prétend prouver Dieu par la seule idée de Dieu. Tout d'abord avons-nous une telle idée? Les sauvages, par exemple, l'ont-ils ? Et on alléguait les récits des voyageurs : l'Amérique, découverte depuis un peu plus d'un siècle, fournissait l'argument nouveau des Canadiens et des Hurons ' que s'efforçaient de convertir les missionnaires; et voici dans la philosophie moderne, la première appa- rition, timide encore et discrète, de ces sauvages dont le défilé, de rigueur désormais dans tout système, était appelé à une si prodigieuse fortune. Et les enfants eux-mêmes, ont-ils cette idée de Dieu, les enfants au sein de leur mère ? Plus tard, ils ne se souviennent pas de l'avoir eue ; mais les cartésiens s'en souviennent, dira-t-on plaisamment, et cela leur suffit. De fait, Descartes est amené à rabattre un peu de ses prétentions ; ou du moins il s'explique. Certes, nous n'avons pas une idée complète de Dieu, puisqu'il est infini, de même que nous n'embrassons point du regard toute l'étendue de la mer : nous la voyons cependant. Ou bien (et cette autre comparaison rappelle un homme habitué à rêver dans les bois) on ne saurait, certes, entourer complètement de ses bras un arbre dont le tronc est trop gros, mais on peut le toucher de la main, et s'assurer ainsi qu'il existe : de même notre esprit peut bien toucher Dieu, pour ainsi dire, de la pensée, et prendre contact avec lui, sans pour cela le com- prendre, c'est-à-dire en prendre une connaissance entière, et au sens propre du terme, véritablement l'embrasser : ce serait en faire le tour, et le limiter, lui qui est infini'. Pressé par ses adversaires, notre philosophe finit presque par lâcher prise : au lieu de dire que nous touchons l'idée de Dieu, ou que nous la tenons, il avoue que nous avons seulement en nous le

a. Tome VII, p. 124, 1. 10, et p. 154. Tome IX, p. 98 et p. 120.

b. Ibid., p. II 3, 1. 17, à p. 114, 1. 5. Tome IX {i"> partie), p. 90.

c. Tome 1, p. 1 52, 1. 9-19. Tome VII, p. 367-368. Tome IX {2' partie), p. 42-

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