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Méditations. 32 j

étudier la réalité et la mieux connaître ; c'est bien la réalité même, et la réalité tout entière*.

Là est précisément le fort et le faible de toute la doctrine de Descartes : quel problème exactement se pose-t-il et prétend- il résoudre ? Problème de la connaissance, ou problème de l'existence ? En réalité, les deux à la fois, indistinctement, par la raison bien simple que la distinction n'était pas encore faite de son temps comme elle l'est aujourd'hui. La tendance onto- logique domine dans ses Méditations, comme lui-même l'a marqué expressément par les sous-titres ajoutés après coup à la plupart d'entre elles : « de Dieu, qu'il existe (S*^), et dere- » chef qu'il existe (5*); et de la distinction réelle de l'âme et » du corps (6') ». Pourtant, après avoir affirmé sa première

a. Voira ce sujet t. III, p. 386, 1. 25 : lettre du 23 juin 1641, avec la note, p. 390. A propos de la remarque de Bayle, d'ailleurs si judicieuse, rjpportée dans cette note, La Fontaine écrira à la duchesse de Bouillon, njv. 1687 : « Voftre philofophe {La Fontaine lui-même) a efté bien » eltonné quand on lui a dit que Defcartes n'eftoit pas l'inventeur de ce » fyi^eme que nous appelons la machine des animaux, & qu'un Efpagnol » l'avoit prévenu. Cependant, quand on ne lui en auroit point apporté de » preuves, je ne laifferois pas de le croire, & ne fçay que les Efpagnols » qui pulîent bartir un chafteau tel que celui-là.. » [Œuvres de J. de La Fontaine, édit. Hachette, t. IX, 1892, p. 393.) — Bossuet, vers 1678, dans son Traité de la connoijjance de Dieu & de foy-mefme, chap. V, § 11, sans doute pour atténuer ce paradoxe cartésien, en avait indiqué la première idée, au moins comme comparaison, dans saint Thomas lui- même : a ...Quand les animaux montrent dans leurs aillons tant » d'indudrie, faint Thomas a raifon de les comparer à des horloges & » aux autres machines ingenieufes, où toutefois l'indudrie relide, non dans » l'ouvrage, mais dans l'artifan. » Le passage visé se trouve, Siimmce Theologicce Prima Secundue, quccll. xiii, art. 2 : « ...In omnibus quas » moventur à ratione, apparet ordo rationis moventis, licèt ipfa quas à » ratione moventur, rationem norr habeant ; lie enin> lagiita direilè » tendit ad fignum ex motione fagittantis, ac li ipla rationem haberet » dirigentem ; & idem apparet in motibus horologioruni «S omnium » ingeniorum humanorum quce arte fiunt. Sicut auteiri comparantur » arificialia ad artem humanam, ita comparantur omnia naturalia ad » artem divinam. » Tout cela cependant est fort loin de Descartes. Voir ci-avant, p. n6-i5y et p. iG2-iG?>.

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