Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/392

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minologie scolastique. Il crut ne pouvoir mieux exprimer cette union substantielle de l'âme et du corps, qu’en disant que l’âme était un mode du corps, modus. Ou plutôt, renonçant à une explication philosophique en un pareil sujet, il conclut que seule l’Ecriture Sainte pouvait nous garantir que l’âme est une substance. On ne pouvait rien dire qui fût plus, agréable à Voët : l’autorité de l’Écriture invoquée pour révéler la vérité. Et d’autre part, chose non moins agréable au même Voët, l’opinion attribuée à Descartes par un disciple notoire n’allait à rien moins qu’à ruiner l’existence de l’âme, réduite à la condition de simple mode du corps. Voilà ce qu’on trouvait dans le livre de Regius, en 1646. Voilà ce que des thèses de lui colportèrent l’année suivante dans toutes les Provinces-Unies, comme l’opinion, d’ailleurs condamnable, et que Regius promettait de réfuter, de l’auteur d’une philosophie nouvelle, qui prétendait remplacer toutes les autres.

Descartes ne pouvait pas garder le silence ; il publia donc, à la fin de 1647, le livret dont nous avons parlé, Notæ in Programma, etc. C’était une discussion, toute scolastique, sur les termes « substance, attribut, mode », et la façon de les employer avec justesse et exactitude. Mais la philosophie de Descartes se prêtait mal à ces vieux cadres, et n’y rentrait pas aisément. Il n’est jamais bon de mettre du vin nouveau dans des outres anciennes. Et puis, pourquoi ne pas l’avouer ? On avait si bien taillé, qu’on ne savait comment recoudre. On avait distingué à fond l’âme et le corps, la pensée et l’étendue. Et pourtant l’homme est bien l’une et l’autre à la fois. Il n’est pas seulement un corps, et il n’est pas un esprit seulement ; il est l’union des deux. Cette union. Descartes n’y tient pas moins qu’aux deux autres notions de l’esprit et du corps distincts et séparés ; et en effet, c’est la réalité même et c’est la vie qui rentre par là dans son système de philosophie. Le monde de la science, le monde vrai par conséquent, n’est qu’étendue, figure et mouvement. Géométrie et Mécanique ; mais cela ne supprime pas l’autre monde, où nous nous mouvons et où