Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/422

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��Vie de Descartes.

��même la Terre dans la petite troupe des Planètes ^ : semblable aux cinq autres, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne, elle tourne également autour du Soleil. Car non seulement le Soleil et la Terre se trouvent déchus de leur apparente gran- deur, mais leurs rapports réciproques sont changés du tout au tout, et leurs rôles pour ainsi dire renversés : la Terre venait la première en dignité, et le Soleil n'existait que pour l'éclai- rer et la réchauffer ; elle se réchauffe encore et s'éclaire aux rayons de cet astre, mais c'est lui qui se trouve au centre du cercle qu'elle décrit et des autres cercles encore que décrivent les autres Planètes en tournant comme la Terre autour du Soleil. Descartes n'examine même pas l'hypothèse contraire de Ptolémée : elle est, dit-il, maintenant rejetée (c'est le mot du texte latin, la traduction adoucit un peu), « improuvée, dit-

a. Daniel Huet, plus tard, rapprochera Descartes et Jordano Bruno : « quem Cartefianae doftrinae antefignanum jure dicas; ...nam & Univerfi » infinitatem & Mundorum innumerabilitatem tuetur, & duo elTe vult » Aftrorum gênera, Soles & Tellures, hoc eft Stellas fixas & Planetas..-. » Qui iegerit hune librum [De immenjo & innumerabilibus), feret operae » pretium, & quàm pulchre ei cum Cartefio conveniat, cognofcet. » [Cenfura Philofophiœ Carte/tance, p. 21 5, Paris, 1689.)

La doctrine de Descartes avait déjà scandalisé un religieux comme le Frère Gabriel Thibaut ; et Mersenne lui-même, Thibaut le lui rappelle, semblait l'avoir réfutée d'avance. (Tome V, p. 69-70.) Voir ci-avant, p. iSg, note b. Mais plus tard Mersenne s'y rallia. En définitive, avec cette théorie de l'infinité de l'Univers, non seulement la Terre n'était plus le centre du monde, mais le Soleil ne l'était pas davantage. En réalité il n'y avait plus de centre absolument, et il n'y avait plus de sphère. Ou du moins le Monde devenait « cette sphère infinie dont le centre est partout, » la circonférence nulle part». [Pensées de Pascal, édit. Brunschvicg, t. I, 1904, p. 74.) Jordano Bruno l'avait dit déjà avant Pascal, ou plutôt redit, car la formule remonte à la plus haute antiquité. Que cette conception fût dangereuse pour la théologie, telle que la scolastique l'avait faite, on ne manqua pas de s'en apercevoir. Mersenne écrivait à Jean Rey, le I" sept. i63i : « Jordan Brun, qui combat avec plufieurs pour l'infinité » du monde, vous rauit le centre, qui n'eft point dans l'infini... » Réponse de Rey, i<= janv. i632 : « Pour Jordan Brun, qui combat pour » l'infinité du monde, & par confequent lui ravit le centre, qui n'eft pas » dans l'infini : ie refponds comme à Copernic, & confefle ne recognoiftre » autre infini que Dieu, bénit éternellement; fi n'eft qu'il m'efchapaft de

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