Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/51

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ensuite il regarda avec complaisance tous les yeux louches[1] . Mais reçut-il en outre du milieu extérieur des impressions que l’on retrouve plus tard dans ses ouvrages ?

Il vivait à la campagne, dans un pays de vignes, par conséquent aussi de vendanges, et l’on sait qu’il affectionne les comparaisons avec le vin nouveau, le vin cuvé sur la râpe, et même le petit clairet[2] ; il est vrai qu’il parle aussi de pommes, à la fois saines et gâtées dans le même panier[3], et tout cela est bien de son pays : pommes ni raisins ne mûrissent en Hollande. Le souvenir des villageoises battant le beurre et séparant la crème du petit lait[4], lui était peut-être resté de ses premières années ; mais c’est aussi ce qu’il verra faire tous les jours sous ses yeux dans les villages hollandais. De même toutes ces images empruntées à la vie des champs pouvaient lui venir également du Poitou et de la Hollande[5]  : voyageurs égarés au milieu d’une forêt, dont le pied enfonce dans le sol humide et en fait jaillir l’eau, et qui la nuit prennent peur des feux follets se jouant au-dessus d’un marécage ; feuilles touffues des haies dans les champs, et branches d’arbre, où le vent souffle ; poussière soulevée à travers la plaine ; tourbillons formés par les courants des ruisseaux ou rivières ; incendies qui s’allument à l’intérieur des granges où l’on a rentré du foin trop peu sec ; et

  1. Tome V, p. 57, 1. 10-22.
  2. Tome XI, p. i23, 1. 6-8 (clairet), et p. 254, 1. 3-4, p. 63i-632, etc.
  3. Tome VII, p. 512, 1. 16-21.
  4. Tome VI, p. 248, 1. 10-15, et p. 314, 1. 26-28.
  5. Tous les traits qui suivent, sont empruntés textuellement à Descartes ; et on en pourrait citer bien d’autres encore. Voir t. VI, p. 24, 1. 22-30 (voyageur dans la forêt) ; t. VIII, p. 226, 1. 4-6 (marais) ; t. VI, p. 322, 1. 5-6 (feux-follets) ; t. VI, p. 235, l. 19-21, et p. 241, 1. 12-15 (haies) ; t. VI, p. 240, 1. 5-14 (poussière); t. VIII, p. 94, 1. 18-26, et p. 95, 1. 23, t. XI, p. 58-60 (tourbillons) ; t. VI, p. 46, 1. 9-10, et t. XI, p. 254, l. 4-5, et p. 642, 1. 8-9 (foin); t. III, p. 141, l. 15-29 (cribles) ; t. XI, p. 370, l. 1-8 (chiens), t. II, p. 350, l. 19-22 (mouches) ; t. VI, p. 312, l. 19-21 (moucherons). Voici encore une jolie image, t. XI, p. 108, l. 10-12 (il faut lire ainsi le texte, qui est à corriger) : « … ainsi que fait l’image de la Lune, au fond d’un lac dont la surface n’est pas fort troublée ni agitée, mais seulement un peu crespée par le souffle de quelque vent. »