Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/547

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Passions de l'Ame. ^o^

également. Toutefois Descartes n'insiste pas beaucoup sur l'admiration, au point de vue intellectuel* : il s'en méfierait plutôt, et volontiers il la réprimerait, surtout lorsqu'elle en vient à cet excès qui est l'étonnement. Rien alors n'est plus nuisible à la science; car le savant doit s'habituer à tout exa- miner de sang-froid, même les choses rares et extraordinaires. L'admiration n'est utile que dans la mesure où elle excite la curiosité.

Mais au point de vue moral, il en va tout autrement. L'admiration engendre d'abord l'estime ou le mépris, selon l'opinion qu'on a de la valeur d'une chose et surtout d'une personne. Descartes ne cesse de le redire : un des principaux objets de notre admiration, c'est le libre arbitre ou la liberté, en nous et en autrui, et qui rend l'homme semblable à Dieu. Nous touchons ici au fond de sa pensée ; et nous sommes au cœur de sa doctrine des passions. Cette estime singulière que chacun a de soi-même, en tant que cause libre, qui peut et qui doit faire usage de sa liberté (un bon usage, certes, mais quand même il serait mauvais, simplement un usage, pourvu qu'il se croie bon ^), c'est la générosité. Le mot est de Descartes, dans

a. Mêmes articles. En particulier: p. 383, 1. 6-12.

b. Tome XI, p. 44!ï-456 : art. cxlix-clxiv. L'Admiration avec ses espèces : Estime et Mépris, p. 443-445, art. cxlix-clii; Générosité et Hu- milité vertueuse p. 445-448, art. cliii-clvi ; Orgueil et Humilité vicieuse, p. 448-454. art. cLvii-cLxi, Vénération et Dédain p. 454-456, art. clxh-clxiv.

c. Ibid., p. 446. 1. i-io, et p. 454, 1. 6-8. Voir, à ce sujet : Le Héros cornélien et le « Généreux >> selon Descartes, parGisTAVE Lanson. Hommes et Livres. Études morales et littéraires. (Paris, Lecène et Oudin, i8q5, p. t[3-i33.) Kt aussi : Le roman français. L'âme généreuse. La Princesse rfe C/èi'e5,par ViCTon Ch^rkvlw.i. i Revue des Deux- Mondes, 1 5 mars 1910.) On ne saurait assurer, toutefois, ni que Descartes ait lu Corneille, ni que Corneille ait lu Descartes. Constatons seulement que Corneille fut aus- sitôt connu en Hollande. En voici au moins deux preuves :

I» Relation de ce qui s'ejl paffé à La Haye au mois de février. 'l'an 16.3S' : les feftins, comédies, bals, cour/es de bague £ autres magnifi- cences faites au mariage de Monfieur de lirederode £■ de Mademoy- felle de Solms. La Haye, de limprimerie de Théodore Maire, i638, in-f». Page 5 : « . . .à l'illué du foupcr, la Comédie du Cid fut joiice par Vie de Descartes. 64

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