Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/65

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ressât au nouvel instrument, appelé aussitôt « télescope », inventé, disait-on, par hasard. On souhaitait un peu partout, en Italie, en Allemagne, en France, comme en Hollande, que les savants en fissent l’objet d’une étude méthodique, afin d’en donner la théorie. Et c’est aussi le problème que se posera Descartes, dans sa Dioptrique, comme un bel exemple de l’application possible de la géométrie à une matière de physique. Puis, c’est encore là une idée qui lui était chère, l’effet pratique ne pouvait manquer de suivre : qui assignera des limites à la puissance d’une lunette construite scientifiquement ? Avec elle on verrait peut-être s’il y a des animaux dans la lune[1] ?

Ainsi Descartes emporta de La Flèche bien des semences qui dans un esprit comme le sien devaient fructifier. Ajoutons que ses maîtres eurent assez de confiance en lui pour lui permettre la lecture d’ouvrages ordinairement défendus. Lesquels ? Peut-être l’Art de Lulle, dont il parle dans le Discours de la Méthode, et une fois ou deux dans sa correspondance[2]. Peut-être les livres de Henri-Corneille Agrippa, sur l’incertitude des connaissances humaines, ou sur la philosophie occulte, dont il dit aussi un mot ou deux[3] ici la permission donnée par les Jésuites ferait vraiment honneur à leur esprit de tolérance, si l’on songe qu’à quelque temps de là, l’année 1623, en France même, à Moulins, le grief capital contre un pauvre diable, condamné à mort et exécuté comme sorcier, fut qu’on avait trouvé en sa possession un exemplaire de ce livre d’Agrippa, relié en peau de truie[4] ! Descartes paraît avoir lu encore la Magie naturelle, de Jean-Baptiste Porta ; mais cet ouvrage, dédié à Philippe II, roi catholique, et imprimé à Anvers, dans les Pays-Bas espagnols, n’a rien qui motive une interdiction[5]. À ces lectures notre philosophe gagna de ne point être dupe

  1. Tome I, p. 69, l. 3-5 : lettre du 13 nov. 1629.
  2. Tome VI, p. 17. l. 19-20 ; et t. X, p. 156-157 et p. 164-165.
  3. Tome X, p. 63-64, et p. 165, l. 10.
  4. Un magicien brûlé vif (1623), par Louis Batifol. (Revue de Paris, 15 mars 1902. p. 369-393.)
  5. Tome X, p. 347.