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qu’il sortit de son poêle d’Allemagne au printemps de 1620, ou, comme il dit, « un peu avant la fin de l’hiver » ; et deux ans après, nous le retrouverons en France, à Rennes, pour la signature d’un acte, le 3 avril 1622[1]. Que devint-il dans l’intervalle ? Nous n’avons là-dessus que des témoignages peu sûrs, ou des récits qu’il est impossible de contrôler. Il reprit sans doute du service, comme volontaire, dans l’armée que le duc de Bavière rassemblait alors contre les princes protestants. La guerre de Trente ans allait éclater, et on sait qu’au début une intervention diplomatique du roi de France, favorable aux catholiques et à l’Empereur, amena une suspension d’armes de la Ligue évangélique ou protestante : un traité fut signé à Ulm, le 3 juillet 1620, à la suite de négociations commencées le 6 juin. L’armée catholique du duc de Bavière, comme en 1618-1619 l’armée protestante du prince de Nassau, devenait pour un Français une armée alliée ; et Descartes pouvait sans scrupule y servir[2].

Mais la Bohême, révoltée depuis 1619 contre l’Empereur, n’était point comprise dans le traité, et les troupes catholiques, redevenues disponibles, furent dirigées contre elle. L’électeur palatin Frédéric, prince protestant, avait été élu roi de Bohême ; sa royauté ne dura qu’un hiver : il perdit la couronne à la bataille de la Montagne Blanche, près de Prague, le 8 novembre 1620, et dès lors commença pour lui cette vie de roi en exil, qu’il traîna une douzaine d’années en Hollande, où nous le retrouverons plus tard, et surtout sa fille, la princesse Élisabeth. Descartes assista-t-il à cette bataille de Prague ? Bore ! l’affirme[3] ; mais dans la même phrase, il fait assister son héros aux deux sièges de Bréda, en 1625 et 1637, ce qui n’est vrai ni pour l’un ni pour l’autre ; et Baillet lui-même,

  1. Tome I, p. 28, l. 23-24. et t. I, p. 1.
  2. Baillet, t. I, p. 59-76, raconte toute cette histoire, avec force détails, dans deux chapitres entiers, l. I, c. xiii et xiv.
  3. Borel, 1656, p. 4 : « biſque Bredæ obſidioni adſuit, & in pugnâ Praguenſi, vnde Italiam petiit, viſis tamen magnis Tychonis Brahæi machinis, colloquiiſque cum eius cognatis inſitutis. » — Baillet, t. 1, p. 73-76.