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Ah ! malheur, lorsqu’au sein des états menacés,
Des germes factieux fermentent amassés,
Et que le peuple enfin, las de sa longue enfance,
S’empare horriblement de sa propre défense !
Aux cordes de la Cloche, alors, en rugissant,
Se suspend la révolte, aux bras ivres de sang.
L’airain, qu’au Dieu de paix la piété consacre,
Sonne un affreux signal de guerre et de massacre ;
Un cri de toutes parts s’élève : Égalité !
Liberté !… chacun s’arme ou fuit épouvanté.
La ville se remplit ; hurlant des chants infâmes,
Des troupes d’assassins la parcourent ; les femmes
Avec les dents du tigre insultent, sans pitié,
Le cœur de l’ennemi déjà mort à moitié,
Et du rire d’un monstre avec l’horreur se jouent.
De l’austère pudeur les liens se dénouent ;
L’homme de bien fait place à la rébellion.
Certe, il est dangereux d’éveiller le lion,
La serre du vautour est sanglante et terrible ;
Mais l’homme, en son délire, est cent fois plus horrible.
Oh ! ne prodiguons point, par un jeu criminel,
Les célestes clartés à l’Aveugle éternel ;