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organes est aussi la cause de nos erreurs, 1o parce que beaucoup d’opérations intellectuelles s’exécutent à notre insu, et nous avons vu ce qui en arrive ; 2o parce que devenant vraiment innombrables, il est difficile qu’elles ne se causent pas réciproquement des perturbations et qu’il ne s’établisse pas entr’elles des liaisons vicieuses. Aussi la démence absolue est-elle plus fréquente dans les esprits très-exercés et très-actifs.

De tout cela il résulte que quand l’homme naîtrait avec l’entier développement de ses organes, il n’en serait pas moins réduit d’abord à un degré bien borné d’intelligence et de capacité.

Jusqu’à quel point l’individu isolé et livré à lui-même se perfectionnera-t-il par ses propres forces ? c’est ce qu’il est impossible de déterminer avec précision ; mais si l’on pense à la prodigieuse différence qu’il y a entre inventer et apprendre, on peut prononcer qu’il n’égalerait jamais le sauvage le plus brut, car celui-là même a déjà beaucoup reçu de ses semblables.

Ceci nous amène naturellement à l’examen de l’usage des signes. Nous y trouverons de nouvelles causes de progrès et d’erreurs.

En attendant, concluons que le premier état de la race humaine, même en la supposant dès l’origine organisée comme aujourd’hui, a dû être la stupidité et l’engourdissement, et que ses premiers progrès n’ont pu être qu’excessivement lents.

CHAPITRE XVI.
Des Signes de nos Idées et de leur effet principal.

La plus précieuse des inventions des hommes, est celle d’exprimer leurs idées d’une manière incom-