Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/109

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de conversation à la portière, évidemment au sujet de l’émeute, il monta légèrement dans la voiture, qui l’emmena.

Le secrétaire sourit ; mais il avait des sujets plus sérieux en tête, et ne songea pas longtemps à celui-là. On lui apporta son dîner, mais il le fit redescendre sans y toucher. Il passa quatre mortelles heures à se promener de long en large dans sa chambre, sans fin et sans repos, à regarder toujours à la pendule, à faire d’inutiles efforts pour s’asseoir et lire, ou à se jeter sur son lit, ou à regarder par la fenêtre. Quand il vit au cadran que le temps marqué était venu, il monta d’un pas furtif jusqu’au haut de la maison, passa sur le toit en attique, et s’assit, le visage tourné vers l’est.

Il ne s’inquiétait guère ni de la fraîcheur de l’air, qui saisissait son front échauffé en venant des prairies voisines, ni des masses de toits et de cheminées qu’il avait sous les yeux, ni de la fumée et du brouillard dont il cherchait à percer les nuages, ni des cris perçants des enfants dans leurs jeux du soir, ni du bruit ni du tumulte bourdonnant de Londres, ni du gai souffle qui accourait de la campagne pour se perdre et s’éteindre dans le brouhaha de la grande ville. Non ; il regardait… il regardait toujours autre chose jusque dans l’obscurité de la nuit, tachetée seulement çà et là de quelques jets de lumière le long des rues, à distance ; et plus l’obscurité augmentait, plus augmentaient aussi son attention et son inquiétude.

« Rien que du noir, non plus, dans cette direction, murmurait-il tout bas incessamment. L’animal ! où donc est cette aurore boréale qu’il m’avait promis de me faire voir ce soir dans le ciel ? »


CHAPITRE XII.

Pendant ce temps-là, le bruit des troubles de la ville avait déjà circulé joliment dans les bourgs et les villages des environs de Londres, et, chaque fois qu’il arrivait des nouvelles fraîches, elles étaient sûres d’être accueillies avec cet