Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/272

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Mlle Miggs pour se lancer, quand il l’eut quittée, dans une telle explosion d’angoisse morale (qu’elle attribua, dans son récit à ces dames, à certains propos scabreux qu’il avait eu l’audace et la présomption de lui tenir), que le petit cœur de la triste Dolly en fut tout attendri. Aussi, la pauvrette en dit tant, en fit tant pour apaiser la sensibilité outragée de Mlle Miggs, et, pendant tout ce temps-là, elle paraissait si jolie, que si sa jeune chambrière n’avait pas eu, pour se consoler de son dépit furieux, la connaissance du complot qui se brassait contre elle, elle lui aurait sauté aux yeux à l’instant pour lui égratigner la figure.


CHAPITRE XXIX.

Toute la journée du lendemain, Emma Haredale, Dolly et Miggs restèrent claquemurées ensemble dans cette prison où elles avaient déjà passé tant de jours, sans voir personne, sans entendre d’autre voix que les murmures d’une conversation chuchotée dans une chambre voisine entre les hommes chargés de les surveiller. Il paraissait y en avoir un plus grand nombre depuis quelque temps, et on n’entendait plus du tout les voix de femmes qu’elles avaient pu clairement distinguer d’abord. Il semblait aussi qu’il régnât parmi eux un peu plus d’agitation, car ils étaient toujours à entrer et à sortir avec mystère, et ne faisaient que questionner les nouveaux arrivants. Ils avaient commencé par ne point se gêner le moins du monde dans leur conduite : ce n’était que tapage, querelles entre eux, batailles, danses et chansons. À présent, ils étaient réservés et silencieux, ne causaient plus qu’à demi-voix, entraient ou sortaient sur la pointe du pied, au lieu de ces pas bruyants et de ces démarches fanfaronnes dont le fracas annonçait leur arrivée ou leur départ à leurs captives tremblantes.

Ce changement venait-il de ce qu’il y avait maintenant quelque personne d’autorité parmi eux, dont la présence leur