Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/107

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jouaient à colin-maillard dans un coin ; il y en avait qui chantaient, qui parlaient, qui dansaient, qui hurlaient : les uns faisaient des glissades, les autres sautaient au fond autour de lui ; on faisait cinquante grimaces ; on se moquait de lui devant ses yeux et derrière son dos ; on parodiait sa pauvreté, ses bottes, son habit, sa mère, toute sa personne enfin, même ce qu’on aurait dû le plus respecter.

« Silence ! cria M. Mell en se levant tout à coup, et en frappant sur son pupitre avec le livre qu’il tenait a la main. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ça n’est pas tolérable. Il y a de quoi devenir fou. Pourquoi vous conduisez-vous ainsi envers moi, messieurs? »

C’était mon livre qu’il tenait en ce moment ; j’étais debout à côté de lui ; lorsqu’il promena ses yeux autour de la chambre, je vis tous les élèves s’arrêter subitement, les uns un peu effrayés, les autres peut-être repentants.

La place de Steerforth était au bout de la longue salle. Il était appuyé contre le mur, l’air indifférent, les mains dans les poches ; toutes les fois que M. Mell jetait les yeux sur lui, il faisait mine de siffler.

« Silence, monsieur Steerforth ! dit M. Mell.

— Silence vous-même, dit Steerforth en devenant très-rouge, à qui parlez-vous ?

— Asseyez-vous, dit M. Mell.

— Asseyez-vous vous-même, dit Steerforth et mêlez-vous de vos affaires ! »

II y eut quelques chuchotements, même quelques applaudissements ; mais M. Mell était d’une telle pâleur que le silence se rétablit immédiatement, et, un élève qui s’était précipité derrière la chaise de notre maître d’études dans le but de contrefaire encore sa mère, changea d’idée et fit semblant d’être venu lui demander de tailler sa plume.

« Si vous croyez, Steerforth, dit M. Mell, que j’ignore l’influence que vous exercez sur tous vos camarades, et ici il posa la main sur ma tête (sans savoir probablement ce qu’il faisait), ou que je ne vous ai pas vu, depuis un moment, exciter les enfants à m’insulter de toutes les façons imaginables, vous vous trompez.

— Je ne me donne seulement pas la peine de penser à vous, dit froidement Steerforth ; ainsi vous voyez que je ne cours pas le risque de me tromper sur votre compte.

— Et quand vous abusez de votre position de favori, monsieur,