Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/115

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ce que signifiait la métaphore employée par M. Peggotty pour figurer les nouvelles respectives qu’il se chargeait de faire circuler à la ronde. Je le remerciai de nouveau, et je lui demandai, non sans rougir, ce qu’était devenue la petite Émilie, depuis le temps où nous ramassions des cailloux et des coquillages sur la plage.

« Mais elle devient une femme, voilà ce qu’elle devient, dit M. Peggotty. Demandez-lui. »

Il me montrait Cham qui faisait un signe de joyeuse affirmation tout en contemplant le sac de crevettes.

« Quelle jolie figure ! dit M. Peggotty, et ses yeux rayonnaient de plaisir.

— Et si savante ! dit Cham.

— Elle écrit si bien ! dit M. Peggotty. C’est noir comme de l’encre, et si gros qu’on pourrait le voir de dix lieues à la ronde. »

Avec quel enthousiasme M. Peggotty parlait de sa petite favorite Il est là devant moi ; son visage s’épanouit avec une expression d’amour et de joyeux orgueil, que je ne saurais peindre ; ses yeux honnêtes brillent et s’animent comme s’ils lançaient des étincelles. Sa large poitrine se soulève de plaisir ; ses grandes mains se pressent l’une contre l’autre dans son émotion, et il gesticule d’un bras si vigoureux, qu’avec mes yeux de pygmée je crois voir un marteau de forge.

Cham était tout aussi ému que lui. Je crois qu’ils m’auraient parlé beaucoup plus longuement de la petite Émilie, s’ils n’avaient été intimidés par l’entrée inattendue de Steerforth, qui, me voyant causer dans un coin avec deux inconnus, cessa aussitôt de chanter et me dit : « Je ne savais pas que vous fussiez ici, Copperfield » (car ce n’était pas le parloir des visites), puis il passa son chemin.

Je ne sais si c’est qua j’étais fier de montrer que j’avais un ami comme Steerforth, ou si je voulais lui expliquer comment il se faisait que j’avais un ami tel que M. Peggotty, mais je le rappelai et je lui dis modestement (grand Dieu ! comme tous ces souvenirs sont encore présents à mon esprit) : « Ne vous en allez pas, Steerforth, je vous en prie. Ce sont deux marins de Yarmouth, d’excellentes gens, des parents de mon ancienne bonne ; ils sont venus de Gravesend pour me voir.

— Ah ! ah ! dit Steerforth en revenant sur ses pas. Je suis charmé de les voir. Comment allez-vous ? »

Il y avait une aisance dans toutes ses manières, une grâce facile et naturelle qui semblait d’une séduction irrésistible.