Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/140

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— Oui, dit Joram ; comme vous nous aviez dit que nous pourrions faire cette petite course si l’ouvrage était fini, Marie et moi… avec vous…

— Oh ! j’ai cru que voua alliez me laisser tout à fait de côté, dit M. Omer, en riant si fort qu’il se mit à tousser.

— Comme vous aviez dit cela, continua le jeune homme, j’y ai mis toute ma bonne volonté. Voulez-vous voir si vous êtes content ?

— Oui, dit M. Orner en se levant. Mon cher enfant, dit-il en se tournant vers moi, aimeriez-vous à voir le…

— Non, mon père, interrompit Marie.

— Je pensais que cela pourrait lui être agréable, ma chère, dit M. Orner ; mais peut-être avez-vous raison. »

Je ne puis dire comment je savais qu’ils allaient regarder le cercueil de ma chère, chère maman. Je n’avais jamais entendu faire un cercueil, je ne crois pas que j’en eusse jamais vu, mais cette idée était entrée dans mon esprit en entendant le bruit qui retentissait dans l’atelier, et quand le jeune homme entra, je savais bien la besogne qu’il venait de faire.

L’ouvrage était fini, les deux jeunes filles, dont je n’avais pas entendu prononcer le nom, brossèrent les bouts de fil et le duvet qui étaient attachés à leurs robes, et entrèrent dans la boutique pour la mettre en ordre et attendre les pratiques. Marie resta en arrière pour plier leur ouvrage et emballer le tout dans deux grands paniers. Elle était plongée dans cette occupation, à genoux et en chantant un petit air guilleret. Joram, son amoureux, cela était clair, entra sur la pointe du pied et lui déroba un baiser pendant qu’elle était ainsi occupée, sans s’inquiéter le moins du monde de ma présence ; il lui dit que son père était allé chercher la voiture, et qu’il allait se préparer en toute hâte. Il sortit ; alors elle mit son dé et ses ciseaux dans sa poche, piqua soigneusement une aiguille enfilée de fil noir sur le corsage de sa robe, ajusta son manteau et son chapeau avec le plus grand soin, en se regardant à une petite glace placée derrière la porte et dans laquelle je voyais se réfléchir son visage satisfait.

J’observai tout cela du coin de la table près de laquelle je m’étais assis, la tête posée sur ma main, en pensant à des choses très-diverses. La voiture arriva bientôt à la porte : on y plaça d’abord les paniers, moi ensuite, mes compagnons suivirent. C’était, autant qu’il m’en souvient, une espèce de carriole, ressemblant un peu aux voitures dans lesquelles on