Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/143

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doucement le drap, je criai : « Oh ! non ! oh ! non ! » et je retins sa main.»

L’enterrement aurait eu lieu hier qu’il ne serait pas plus présent à mon esprit. L’apparence du salon, au moment de mon entrée, l’éclat du feu, le vin qui brillait dans les carafes, la forme des verres et des assiettes, le parfum des gâteaux, l’odeur de la robe de miss Murdstone, et nos vêtements de deuil, rien n’y manque. M. Chillip est là et vient me parler.

« Et comment va monsieur David ? me dit-il avec bonté.

Je ne pouvais pas lui répondre : « Très-bien. » Je lui donne la main, et il la retient dans les siennes.

« Allons ! dit M. Chillip avec un doux sourire et les larmes aux yeux, voilà nos petits amis qui vont grandir autour de nous. Nous ne les reconnaîtrons bientôt plus. De grands progrès, il me semble, mademoiselle, continue-t-il en s’adressant à miss Murdstone.

Miss Murdstone ne répond que par un froid salut, elle fronce les sourcils ; M. Chillip, un peu décontenancé, va s’asseoir dans un coin sans mot dire et m’emmène avec lui.

Je remarque ce fait, parce que je remarque tout, mais sans prendre le moindre intérêt à ce qui m’arrive, depuis que je suis de retour à la maison. Les cloches commencent à sonner, et M. Omer vient avec un autre homme faire les derniers apprêts. Peggotty m’avait raconté autrefois que les invités pour le convoi de mon père s’étaient réunis jadis dans la même chambre pour le conduire au même tombeau.

Il y a M. Murdstone, notre voisin M. Gayper, M. Chillip et moi. Quand nous sortons de la maison, les porteurs sont dans le jardin avec leur fardeau, et ils marchent devant nous le long du sentier, sous les ormes ; ils passent par la grille et entrent dans le cimetière où j’ai si souvent entendu chanter les oiseaux pendant l’été.

Nous entourons le tombeau. Le jour me paraît différent des jours ordinaires, il me semble que le ciel n’a plus la même teinte, il est plus sombre. Il y a un silence solennel que nous avons apporté de la maison avec ce qu’il y a dans la bière, et pendant que nous sommes debout, la tête nue, j’entends résonner la voix du pasteur qui dit distinctement : « Je suis la résurrection et la vie, a dit le Seigneur.  » Puis j’entends des sanglots et je vois un peu à part, dans la foule des curieux, cette bonne et fidèle servante, qui est ce que j’aime le mieux