Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/181

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dépouillée, et nous y vivions la nuit et le jour, mistress Micawber, les enfants, l’orpheline et moi. Je ne sais pas combien de temps cela dura ; il me semble que ce fut long. Enfin mistress Micawber prit le parti d’aller s’établir dans la prison, où M. Micawber avait une chambre particulière. Je fus chargé de porter la clef de la maison au propriétaire qui fut enchanté de rentrer en possession de son appartement, et on envoya tous les lits à la prison, à l’exception du mien. On loua pour moi une petite chambre dans les environs, avec une mansarde pour l’orpheline, à ma grande satisfaction ; nous avions pris, les Micawber et moi, l’habitude de vivre ensemble, à travers tous nos embarras, et nous aurions eu beaucoup de peine à nous séparer. Ma chambre était un peu mansardée, et elle donnait sur un grand chantier ; je me crus en paradis quand j’en pris possession en réfléchissant que la crise des affaires de M. Micawber était enfin terminée.

Je travaillais toujours chez Murdstone et Grinby ; je me livrais toujours à la même occupation matérielle avec les mêmes compagnons, et j’éprouvais toujours le même sentiment d’une dégradation non méritée. Mais je n’avais, heureusement pour moi, fait aucune connaissance, je ne parlais à aucun des enfants que je voyais tous les jours en allant au magasin, en revenant, ou en errant dans les rues à l’heure des repas. Je menais la même vie triste et solitaire, mais mon chagrin restait toujours renfermé en moi-même. Le seul changement dont j’eusse conscience, c’est que mes habits devenaient plus râpés tous les jours et que j’étais en grande partie délivré de mes soucis sur le compte de M. et de mistress Micawber, qui vivaient dans la prison infiniment plus à l’aise que cela ne leur était arrivé depuis longtemps, et qui avaient été secourus dans leur détresse par des parents ou des amis. Je déjeunais avec eux, d’après un arrangement dont j’ai oublié les détails. J’ai oublié aussi à quelle heure les grilles de la prison s’ouvraient pour me permettre d’entrer ; je sais seulement que je me levais souvent à six heures, et qu’en attendant l’ouverture des portes, j’allais m’asseoir sur l’un des bancs du vieux pont de Londres, d’où je m’amusais à regarder les passants, ou à contempler par-dessus le parapet le soleil qui se réfléchissait dans l’eau, où qui éclairait les flammes dorées en haut du Monument. L’orpheline venait me retrouver là parfois, pour écouter des histoires de ma composition sur la Tour de Londres ; tout ce que j’en puis dire, c’est que j’espère que je croyais moi-même ce que je