Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/251

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lui. Je le remerciai de ses bontés, et comme il s’y rendit un moment après, et que je n’étais pas fatigué, je descendis aussi un livre à la main, pour profiter, pendant une demi-heure, de la permission qu’il venait de me donner.

Mais, apercevant une lumière dans le petit cabinet circulaire, je me sentis à l’instant attiré par Uriah Heep qui exerçait sur moi une sorte de fascination, et j’entrai. Je le trouvai occupé à lire un gros livre avec une attention si évidente qu’il suivait chaque ligne de son doigt maigre, laissant en chemin sur le page, à ce qu’il me semblait, des traces gluantes, comme un limaçon.

« Vous travailles bien tard ce soir, Uriah, lui dis-je.

— Oui, monsieur Copperfield. »

En prenant un tabouret en face de lui, pour lui parler plus à mon aise, je remarquai qu’il ne savait pas sourire : il ouvrait seulement la bouche et dessinait, en l’ouvrant, deux rides profondes dans ses joues : c’était là tout.

« Je ne travaille pas pour l’étude, monsieur Copperfield, dit Uriah.

— Que faites-vous donc, alors ? demandai-je.

— Je tâche d’avancer dans la science du droit, monsieur Copperfleld. J’étudie en ce moment-ci la Pratique de Tidd. Ah ! quel écrivain que ce Tidd, monsieur Copperfield !  »

Mon tabouret était un observatoire si commode, qu’en le regardant reprendre sa lecture après cette exclamation d’enthousiasme, je remarquai, pendant qu’il suivait les mots avec son doigt, que ses narines minces et pointues, toujours en mouvement avec une puissance de contraction et de dilatation surprenante, servaient d’interprète à sa pensée : il clignait du nez comme les autres clignent de l’œil ; ses yeux, à lui, ne disaient rien du tout.

« Je suppose, que vous êtes un grand légiste ? dis-je après l’avoir observé quelque temps en silence.

— Moi, monsieur Copperfield ! dit Uriah. Oh ! non ; je suis dans une situation si humble. »

Je remarquai que l’étrange sensation que m’avait fait éprouver le contact de sa main ne devait pas être un fruit de mon imagination, car il les frottait sans cesse comme s’il voulait les sécher et les réchauffer, puis il les essuyait à la dérobée avec son mouchoir.

« Je sais bien que je suis dans la situation la plus humble, dit Uriah modestement, en comparaison des autres. Ma mère