Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/279

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dessus de la cuisine, parce qu’il y montait en même temps à travers les fentes du plancher un fumet de graillon qui suintait sur les murs puants. Elle devait être aussi voisine du comptoir, car elle avait un goût de rogomme, et l’on y entendait distinctement le cliquetis des verres. Là, étendue sur un petit canapé au-dessous d’une gravure représentant un cheval de course, la tête près du feu et les pieds contre la moutardier placé sur une servante à l’autre bout de la chambre, était mistress Micawber, à laquelle son mari s’adressa en entrant le premier :

« Ma chère, permettez-moi de vous présenter un élève du docteur Strong. »

Je remarquai en passant que, quelque confusion qui existât toujours dans l’esprit de M. Micawber sur mon âge et ma situation, il n’oubliait jamais que j’étais élève du docteur Strong : c’était comme un hommage indirect qu’il rendait à la distinction de mon rang dans le monde.

Mistress Micawber fut étonnée, mais enchantée de me voir. J’étais bien aise aussi de la revoir moi-même, et, après un échange de compliments affectueux, je m’assis sur le canapé à côté d’elle.

« Ma chère, dit M. Micawber, si vous voulez raconter à Copperfield la situation actuelle, qu’il sera bien aise de connaître, je n’en doute pas, je vais aller jeter un coup d’œil sur le journal pendant ce temps-là, pour voir si je trouverai quelque chose dans les annonces.

— Je vous croyais à Plymouth, madame, dis-je à mistress Micawber, quand il fut sorti.

— Mon cher monsieur Copperfleld, répliqua-t-elle, nous y avons été en effet.

— Pour y prendre un emploi ? repris-je.

— Précisément, dit mistress Micawber, pour y prendre un emploi ; mais le fait est qu’on n’a pas besoin à la douane d’un homme doué de grandes facultés. L’influence locale de ma famille ne pouvait nous être non plus d’aucune ressource pour procurer à un homme doué des facultés de M. Micawber un emploi dans le département. On y préfère des gens plus ordinaires. Il aurait trop fait remarquer la nullité des autres. En outre, je ne vous cacherai pas, mon cher monsieur Copperfield, dit mistress Micawber, que la branche de ma famille établie à Plymouth, en apprenant que j’accompagnais M. Micawber avec le petit Wilkins, sa sœur et les jumeaux, ne l’a pas reçu avec toute la cordialité qu’il aurait pu attendre au moment où il