Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je fus si troublé par le contenu de cette lettre déchirante que je courus aussitôt du côté du petit hôtel, dans l’intention d’y entrer, en allant chez le docteur, pour essayer de calmer M. Micawber par mes consolations. Mais à moitié chemin, je rencontrai la diligence de Londres ; M. et mistress Micawber étaient sur l’impériale, il avait l’air parfaitement tranquille et heureux, et souriait en écoutant sa femme et en mangeant des noix qu’il tirait d’un sac de papier, pendant qu’on apercevait une bouteille qui sortait de sa poche de côté. Ils ne me voyaient pas, et je crus qu’il valait mieux, tout bien considéré, ne pas attirer leur attention sur moi. L’esprit soulagé d’un grand poids, je pris donc une petite rue qui menait tout droit à la pension, et je me sentis, au bout du compte, assez satisfait de leur départ, ce qui ne m’empêchait pas d’avoir pourtant toujours beaucoup d’amitié pour eux.


Mon temps de pension !… Ces jours écoulés en silence !… où la vie glisse et marche, sans qu’on s’en aperçoive, sans qu’on la sente, de l’enfance à la jeunesse je veux, en jetant un regard en arrière sur ces ondes rapides qui ne sont plus qu’un lit desséché encombré de feuilles mortes, chercher si je ne retrouverai pas encore des traces qui puissent me rappeler leur cours.

Je me vois d’abord dans la cathédrale où nous nous rendions tous le dimanche matin, après nous être réunis pour cela dans notre salle d’étude. L’odeur terreuse, l’air froid, le sentiment que la porte était fermée sur le monde, le son de l’orgue retentissant sous les arceaux blancs et dans la nef de l’église, voilà les ailes sur lesquelles je me sens emporté pour planer au-dessus de ces jours écoulés, comme si je rêvais à demi éveillé.

Je ne suis plus le dernier élève de la pension. J’ai passé en quelques mois par-dessus plusieurs têtes. Mais Adams me paraît toujours une créature hors ligne, bien loin, bien loin au-