Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/321

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à son service à l’Université. C’était en apparence an modèle de convenance. Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un homme qui eût un air plus respectable, pour sa position. Il était silencieux, tranquille, respectueux, attentif, ne faisait point de bruit, était toujours là quand on avait besoin de lui, et ne gênait jamais quand on n’en avait que faire ; mais son grand titre à la considération, c’était la convenance de ses manières. Il n’avait pas l’air d’un chien couchant, il avait plutôt le ton un peu roide ; ses cheveux étaient courts, sa tête arrondie ; il parlait doucement, et il avait une manière particulière de faire siffler les S qui faisait croire qu’il en consommait plus que le commun des mortels ; mais les plus petites particularités de ses manières contribuaient à lui donner l’air respectable, et il aurait eu le nez en trompette, que je suis sûr qu’il aurait trouvé moyen d’y puiser un élément de plus pour ajouter à cet air respectable. Il s’entourait d’une atmosphère de convenance, au soin de laquelle il marchait d’un pas sûr et tranquille. Il eût été presque impossible de le soupçonner d’une mauvaise action, tant il était respectable. Il ne serait venu à l’idée de personne de lui faire porter une livrée, il était trop respectable pour cela. On n’aurait pas osé lui imposer un travail servile ; c’eût été faire une insulte gratuite aux sentiments d’un homme profondément respectable, et je remarquai que les femmes de la maison le sentaient si bien, qu’elles faisaient toujours elles-mêmes tout l’ouvrage pendant qu’il lisait le journal près du feu, dans l’office.

Je n’ai jamais vu un homme plus réservé. Mais cette qualité, comme toutes celles qu’il possédait, ne faisait qu’ajouter à son air respectable. Personne ne savait son nom de baptême et c’était encore un mystère qui ne nuisait pas à sa considération. On ne pouvait avoir aucune objection au nom de Littimer, sous lequel il était connu. Pierre pouvait être le nom d’un pendu, et Thomas, celui d’un déporté ; mais Littimer, voilà un nom parfaitement respectable !

Je ne sais pas si c’est à cause de cet ensemble respectable qu’il avait, mais je me sentais toujours très-jeune en présence de cet homme. Je n’avais pu deviner quel âge il avait lui-même, et c’était encore un mérite de discrétion à ajouter à tous ceux que je lui connaissais. Dans le calme de sa physionomie respectable, on pouvait aussi bien lui donner cinquante ans que trente.

Littimer entra dans ma chambre, le lendemain avant que je