Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/330

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— Oui, Monsieur, quand il est bien portant, répondit-elle.

— Et vous, mistress Barkis, y allez-vous quelquefois ? »

Elle me regarda plus attentivement, et je remarquai un mouvement convulsif dans ses mains.

— Parce que j’avais quelques renseignements à prendre sur une maison située par là, qu’on appelle… voyons donc… Blunderstone la Rookery, dis-je. »

Elle recula d’un pas en avançant les mains avec un mouvement d’effroi, comme pour me repousser.

« Peggotty ! m’écriai-je.

— Mon cher enfant ! » s’écria-t-elle, et nous fondîmes tous deux en larmes en nous embrassant.

Je n’ai pas le cœur de dire toutes les extravagances auxquelles elle se livra, les larmes et les éclats de rire qui se succédèrent, l’orgueil et la joie qu’elle me témoignait, le chagrin qu’elle éprouvait en pensant que celle dont j’aurais dû être l’orgueil et la joie n’était pas là pour me serrer dans ses bras. Je n’eus pas seulement l’idée que je me montrais bien enfant en répondant à toute cette émotion par la mienne. Je crois que je n’avais jamais ri ni pleuré de ma vie, même avec elle, plus franchement que ce matin-là.

«  Barkis sera si content ! dit Peggotty en essuyant ses yeux avec son tablier, cela lui fera plus de bien que tous ses cataplasmes et ses frictions. Puis-je aller lui dire que vous êtes ici ? Vous monterez le voir, n’est-ce pas, David ? »

Cela allait sans dire, mais Peggotty ne pouvait venir à bout de sortir de sa chambre, car toutes les fois qu’elle se trouvait près de la porte, elle se retournait pour me regarder, et alors elle revenait rire et pleurer sur mon épaule. Enfin, pour faciliter les choses, je montai avec elle, et après avoir attendu un moment, à la porte, qu’elle eût préparé M. Barkis à ma visite, je me présentai devant le malade.

Il me reçut avec un véritable enthousiasme. Son rhumatisme ne lui permettant pas de me tendre la main, il me demanda en grâce de secouer la mèche de son bonnet de coton, ce que je fis de tout mon cœur. Quand je fus enfin assis auprès de son lit, il me dit qu’il croyait encore me conduire sur la route de Blunderstone, et que cela lui faisait un bien infini. Couché comme il l’était, dans son lit, avec des couvertures jusqu’au cou, il avait l’air de n’être autre chose qu’un visage, comme les chérubins dans les tableau, ce qui faisait l’effet le plus étrange.