Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/347

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la maison déserte ; c’est ca qui m’a plongé dans les réflexions au milieu desquelles vous m’avez trouvé. »

L’arrivée de mistress Gummidge avec un panier au bras expliqua pourquoi la maison était restée vide. Elle était sortie précipitamment pour acheter quelque chose gui lui manquait, avant le retour de M. Peggotty, qui devait revenir avec la marée, et elle avait laissé la porte ouverte, de peur que Ham et Émilie, qui devaient rentrer de bonne heure, n’arrivassent en son absence. Steerforth, après avoir désopilé la rate de mistress Gummidge par un salut des plus enjoués et une embrassade des plus comiques, prit mon bras et m’entraîna précipitamment.

En arrachant mistress Gummidge à la mélancolie, il avait repris lui-même sa gaieté ordinaire, et ne fit que rire et plaisanter tout le long du chemin.

« Ainsi donc nous quittons demain cette vie de boucaniers ? me dit-il gaiement.

— Vous savez que nous en sommes convenus, répondis-je, et que nos places sont arrêtées à la diligence ?

— Oui, il n’y a pas moyen de faire autrement, je suppose, dit Steerforth ; j’avais presque oublié qu’il y eût autre chose à faire dans le monde que de se balancer sur une barque. C’est ma foi bien dommage !

— Au nouveau tout est beau, lui dis-je en riant.

— C’est possible, répliqua-t-il, quoique ce soit une observation bien sarcastique pour un aimable chef-d’œuvre d’innocence comme mon jeune ami. Eh bien ! je ne dis pas non ; je suis capricieux, David ; je le sais et je l’avoue, mais cela n’empêche pas que je sais battre le fer pendant qu’il est chaud. Savez-vous que je n’ai pas perdu mon temps ici ? Je parie que je suis en état de passer un bon petit examen de pilote pour les eaux de Yarmouth !

— M. Peggotty dit que vous êtes un prodige, répliquai-je.

— Un phénomène nautique ? reprit Steerforth en riant.

— Il n’y a pas de doute, et vous savez que c’est vrai ; vous mettez tant d’ardeur à tout ce que vous faites que vous y devenez bientôt passé maître. Mais ce qui m’étonne toujours, Steerforth, c’est que vous vous contentiez d’un emploi si mobile et si capricieux de vos facultés.

— Me contenter ? répondit-il gaiement. Je ne suis content de rien, si ce n’est de votre naïveté, ma chère Pâquerette ; quant à mes caprices, je n’ai pas encore appris l’art de m’attacher