Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/372

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Je n’essayai pas de contredire cette opinion, mais je soupai de bon appétit, ce qui la satisfit pleinement. Quand on eut desservi, Jeannette coiffa ma tante, l’aida à mettre son bonnet de nuit, qui était plus élégant que de coutume (« en cas de feu » disait ma tante), puis elle replia sa robe sur ses genoux, selon son habitude, pour se chauffer les pieds avant de se coucher. Puis je lui préparai, suivant des règles établies dont on ne devait jamais, sous aucun prétexte, s’écarter le moins du monde, un verre de vin blanc chaud mélangé d’eau, et je lui coupai un morceau de pain pour le faire griller en tranches longues et minces. On nous laissa seuls pour finir la soirée avec ces rafraîchissements. Ma tante était assise en face de moi, et buvait son eau et son vin en y trempant l’une après l’autre ses rôties avant de les manger, et me regardant tendrement du fond des garnitures de son bonnet de nuit.

« Eh bien ! Trot, dit-elle, avez-vous pensé à ma proposition de faire de vous un procureur ? ou bien n’y avez-vous pas encore songé ?

— J’y ai beaucoup pensé, ma chère tante : j’en ai beaucoup causé avec Steerforth. Cela me plaît infiniment.

— Allons, dit ma tante, voilà qui me réjouit.

— Je n’y vois qu’une difficulté, ma tante.

— Laquelle, Trot ?

— C’est que je voulais vous demander, ma tante, si mon admission dans cette profession, qui ne se compose pas, je crois, d’un grand nombre de membres, ne sera pas horriblement chère ?

— C’est une affaire de mille livres sterling tout nets, dit ma tante.

— Eh bien, ma chère tante, lui dis-je en me rapprochant d’elle, voilà ce qui me préoccupe. C’est une somme considérable ! Vous avez dépensé beaucoup d’argent pour mon éducation, et en toutes choses vous avez été aussi libérale que possible à mon égard. Rien ne peut donner une idée de votre générosité envers moi. Mais il y a certainement des carrières que je pourrais embrasser, sans dépenser, pour ainsi dire, tout en ayant des chances de réussir par le travail et la persévérance. Êtes-vous bien sûre qu’il ne valût pas mieux en essayer ? Êtes-vous bien sûre de pouvoir faire encore ce sacrifice, et qu’il ne valût pas mieux vous l’épargner ? Je vous demande seulement à vous, ma chère et seconde mère, d’y réfléchir avant de prendre ce parti. »