Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/431

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exemple à jouer aux quilles, monsieur, c’est une jouissance ; cela vous distrairait et vous ferait du bien. »

À ces mots mistress Crupp me fit une révérende majestueuse eu guise de remercîment pour ma médecine, et se retira en feignant de prendre grand soin de ne pas renverser l’eau-de-vie, qui avait complètement disparu. En la voyant s’éloigner dans l’obscurité, il me vint bien dans l’idée que mistress Crupp avait pris là une singulière liberté de me donner des conseils ; mais, d’un autre côté, je n’en étais pas fâché ; c’était une leçon pour moi de mieux garder mon secret à l’avenir.


Peut-être fut-ce en conséquence de l’avis de mistress Crupp, et parce que l’idée des quilles me rappelait le souvenir de quelques parties avec Traddles que je conçus le lendemain la pensée d’aller à la recherche de mon ancien camarade. Le temps qu’il devait passer hors de Londres était écoulé, et il demeurait dans une petite rue près de l’École vétérinaire, à Camden-Town, quartier spécialement habité, me dit l’un de nos clercs qui logeait par là, par de jeunes étudiants de l’école, qui achetaient des ânes en vie pour faire sur ces quadrupèdes des expériences in animâ vili, dans leurs appartements particuliers. Je me fis donner par le même clerc quelques renseignements sur la situation de cette retraite académique, et je partis dans l’après-midi pour aller voir mon ancien camarade.

La rue en question laissait quelque chose à désirer. J’aurais voulu pour Traddles qu’elle lui donnât plus d’agrément. Je trouvai que les habitants ne se gênaient pas assez pour jeter au beau milieu du chemin ce dont ils ne savaient que faire, de sorte que non-seulement elle était boueuse et nauséabonde, mais encore qu’il y régnait un grand désordre de feuilles de choux. Ce n’était pas tout d’ailleurs, les végétaux ce jour-là s’étaient recrutés d’une vieille savate, d’une casserole défoncée, d’un chapeau de femme de satin noir et d’un parapluie,