Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/109

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j’accomplissais tout ce que j’entreprenais. J’étais enfin une véritable victime de moi-même ; j’en vins jusqu’à me demander si je ne ferais pas bien de me borner à manger des légumes, dans l’idée vague qu’en devenant un animal herbivore, ce serait un sacrifice que j’offrirais sur l’autel de Dora.

Jusqu’alors ma petite Dora ignorait absolument mes efforts désespérés et ne savait que ce que mes lettres avaient pu confusément lui laisser entrevoir. Mais le samedi arriva, et c’est ce soir-là qu’elle devait rendre visite à miss Mills, chez laquelle je devais moi-même aller prendre le thé, quand M. Mills se serait rendu à son cercle pour jouer an whist, événement dont je devais être averti par l’apparition d’une cage d’oiseau à la fenêtre du milieu du salon.

Noua étions alors complètement établis à Buckingham-Street, et M. Dick, continuait ses copies avec une joie sans égale. Ma tante avait remporté une victoire signalés sur mistress Crupp en la soldant, en jetant par la fenêtre la première cruche qu’elle avait trouvée en embuscade sur l’escalier, et en protégeant de sa personne l’arrivée et le départ d’une femme de ménage qu’elle avait prise an dehors. Ces mesures de vigueur avaient fait une telle impression sur mistress Crupp, qu’elle s’était retirée dans sa cuisine, convaincue que ma tante était atteinte de la rage. Ma tante, à qui l’opinion de mistress Crupp comme celle du monde entier était parfaitement indifférente, n’était pas fâchée d’ailleurs d’encourager cette idée, et mistress Crupp, naguère si hardie, perdit bientôt si visiblement tout courage que pour éviter de rencontrer ma tante sur l’escalier, elle tâchait d’éclipser sa volumineuse personne derrière les portes ou de se cacher dans des coins obscurs laissant toutefois paraître, sans s’en douter, un ou deux lés de jupon de flanelle. Ma tante trouvait une telle satisfaction à l’effrayer que je crois qu’elle s’amusait à monter et à descendre tout exprès, son chapeau posé effrontément sur le sommet de sa tête, toutes les fois qu’elle pouvait espérer de trouver mistress Crupp sur son chemin.

Ma tante, avec ses habitudes d’ordre et son esprit inventif, introduisit tant d’améliorations dans nos arrangements intérieurs qu’on aurait dit que nous avions fait un héritage au lieu d’avoir perdu notre argent. Entre autres choses, elle convertit l’office en un cabinet de toilette à mon usage, et m’acheta un bois de lit qui faisait l’effet d’une bibliothèque dans le jour, autant qu’un bois de lit peut ressembler à une bibliothèque.