Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/123

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qu’elle devait avoir en sa possession d’autres lettres de même nature, et j’ai enfin obtenu d’elle le paquet qui est maintenant entra les mains de David Copperfield. »

Elle se tut, et, après avoir formé son sac, elle ferma la bouche, de l’air d’une personne résolue à se laisser briser plutôt que de ployer.

« Vous venez d’entendre miss Murdstone, dit M. Spenlow, en se tournant vers moi. Je désire savoir, monsieur Copperfield, si vous avez quelque chose à répondre. »

Le peu de dignité dont j’aurais pu essayer de me parer était malheureusement fort compromis par le tableau qui venait sans cesse se présenter à mon esprit ; je voyais celle que J’adorais, ma charmante petite Dora, pleurant et sanglotant toute la nuit ; je me la représentais seule, effrayée, malheureuse, ou bien je songeais qu’elle avait supplié, mais en vain, cette mégère au cœur de rocher de lui pardonner ; qu’elle lui avait offert des baisers, des nécessaires à ouvrage, des bijoux, le tout en pure perte ; enfin, qu’elle était au désespoir, et tout cela pour moi ; je tremblais donc d’émotion et de chagrin, bien que je fisse tout mon possible pour le cacher.

« Je n’ai rien à dire, monsieur, repris-je, si ce n’est que je suis le seul à blâmer… Dora…

— Miss Spenlow, je vous prie, repartit son père avec majesté.

« A été entraînée par moi, continuai-je, sans répéter après M. Spenlow ce nom froid et cérémonieux, à me promettre de vous cacher notre affection, et je le regrette amèrement.

— Vous avez eu le plus grand tort, monsieur, me dit M. Spenlow, en se promenant de long en large sur le tapis et en gesticulant avec tout son corps, au lieu de remuer seulement la tête, à cause de la roideur combinée de sa cravate et de son épine dorsale. Vous avez commis une action frauduleuse et immorale, monsieur Copperfield. Quand je reçois chez moi un gentleman, qu’il ait dix-neuf, ou vingt neuf, ou quatre-vingt-dix ans, je le reçois avec pleine confiance. S’il abuse de ma confiance, il commet une action malhonnête, monsieur Copperfield !

— Je ne le vois que trop maintenant, monsieur, vous pouvez en être sûr, repris-je, mais je ne le croyais pas auparavant. En vérité, monsieur Spenlow, dans toute la sincérité de mon cœur, je ne le croyais pas auparavant, j’aime tellement miss Spenlow…