Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/125

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Non, Je ne pouvais pas être de cet avis. Je le regrettais beaucoup, mais il y avait une considération qui l’emportait sur la raison. L’amour passe avant tout, et j’aimais Dora à la folie, et Dora m’aimait. Je ne le dis pas tout à fait dans ces termes mais je le fis comprendre, et j’y étais bien résolu. Je ne m’inquiétais guère de savoir si je jouais en cela un rôle ridicule, mais je sais que j’étais bien résolu.

« Très-bien, monsieur Copperfield, dit M. Spenlow, j’userai de mon influence auprès de ma fille. »

Miss Murdstone fit entendre un son expressif, une longue aspiration qui n’était ni un soupir ni un gémissement, mais qui tenait des deux, comme pour faire sentir à M. Spenlow que c’était par là qu’il aurait dû commencer.

« J’userai de mon influence auprès de ma fille, dit M. Spenlow, enhardi par cette approbation. Refusez-vous de prendre ces lettres, monsieur Copperfield ? »

J’avais posé le paquet sur la table.

Oui, je le refusai. J’espérais qu’il voudrait bien m’excuser, mais il m’était impossible de recevoir ces lettres de la main de miss Murdstone.

« Ni des miennes ? dit M. Spaatow.

— Pas davantage, répondis-je avec le plus profond respect.

— À merveille ! dit M. Spenlow.

Il y eut un moment de silence. Je ne savais si je devais rester ou m’en aller. À la fin, je me dirigeai tranquillement vers la porte, avec l’intention de lui dire que je croyais répondre à ses sentiments en me retirant. Il m’arrêta pour me dire d’un air sérieux et presque dévot, en enfonçant ses mains dans les poches de son paletot, et c’était bien tout au plus s’il pouvait les y faire entrer :

« Vous savez probablement, monsieur Copperfield, que je ne suis pas absolument dépourvu des biens de ce monde, et que ma fille est ma plus chère et ma plus proche parente ? »

Je lui répondis avec précipitation que j’espérais que, si un amour passionné m’avait fait commettre une erreur, il ne me supposait pas pour cela une âme avide et mercenaire.

« Ce n’est pas de cela que je parle, dit M. Spenlow. Il vaudrait mieux pour vous et pour nous tous, monsieur Copperfield, que vous fussiez un peu plus mercenaire, je veux dire que vous fussiez plus prudent, et moins facile à entraîner à ces folies de jeunesse ; mais, je vous le répète, à un tout autre point de