Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/149

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c’était le visage d’Uriah qui m’avait suggéré naturellement cette allusion. Je suis fiancé à une autre personne. J’espère que cela vous satisfait ?

— Parole d’honneur ? » dit Uriah.

J’allais répéter ma déclaration avec une certaine indignation, quand il s’empara de ma main, et la pressa fortement.

« Oh, maître Copperfield ! dit-il ; si vous aviez seulement daigné me témoigner cette confiance, quand je vous ai révélé l’état de mon âme, le jour où je vous ai tant dérangé en venant coucher dans votre salon, jamais je n’aurais songé à douter de vous. Puisqu’il en est ainsi, je m’en vais renvoyer immédiatement ma mère ; trop heureux de vous donner cette marque de confiance. Vous excuserez, j’espère, des précautions inspirées par l’affection. Quel dommage, maître Copperfield, que vous n’ayez pas daigné me rendre confidence pour confidence ! je vous en ai pourtant offert bien des occasions ; mais vous n’avez jamais eu pour moi toute la bienveillance que j’aurais souhaitée. Oh non ! bien sûr, vous ne m’avez jamais aimé, comme je vous aimais ! »

Et, tout en disant cela, il me serrait la main entre ses doigts humides et visqueux. En vain, je m’efforçai de me dégager. Il passa mon bras sous la manche de son paletot chocolat, et je fus ainsi forcé de l’accompagner.

« Revenons-nous à la maison ? dit Uriah, en reprenant le chemin de la ville. » La lune commençait à éclairer les fenêtres de ses rayons argentés.

« Avant de quitter ce sujet, lui dis-je après un assez long silence, il faut que vous sachiez bien, qu’à mes yeux, Agnès Wickfield est aussi élevée au-dessus de vous et aussi loin de toutes vos prétentions, que la lune qui nous éclaire !

— Elle est si paisible, n’est-ce pas ? dit Uriah ; mais avouez, maître Copperfield, que vous ne m’avez jamais aimé comme je vous aimais. Vous me trouviez trop humble, j’en suis sûr.

— Je n’aime pas qu’on fasse tant profession d’humilité, pas plus que d’autre chose, répondis-je.

— Là ! dit Uriah, le visage plus pâle et plus terne encore que de coutume; j’en étais sûr. Mais vous ne savez pas, maître Copperfield, à quel point l’humilité convient à une personne dans ma situation. Mon père et moi nous avons été élevés dans une école de charité ; ma mère a été aussi élevée dans un établissement de même nature. Du matin au soir, on nous enseignait à être humbles, et pas grand’chose avec. Nous devions