Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/156

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jour commençait à poindre, lorsqu’au moment où ma pensée se reportait vers Agnès, j’aperçus la tête d’Uriah qui grimpait à côté de moi.

« Copperfield, me dit-il à voix basse tout en s’accrochant à la voiture, j’ai pensé que voua seriez bien aise d’apprendre, avant votre départ, que tout était arrangé. J’ai déjà été dans sa chambre, et je vous l’ai rendu doux comme un agneau. Voyez-vous, j’ai beau être humble, je lui suis utile ; et quand il n’est pas en ribote, il comprend ses intérêts ! Quel homme aimable, après tout, n’est-ce pas, maître Copperfield ? »

Je pris sur moi de lui dire que j’étais bien aise qu’il eût fait ces excuses.

« Oh ! certainement , dit Uriah ; quand on est humble, vous savez, qu’est-ce que ça fait de demander excuse ? C’est si facile. À propos, je suppose, maître Copperfield, ajouta-t-il avec une légère contorsion, qu’il vous est arrivé quelquefois de cueillir une poire avant qu’elle fut mûre ?

— C’est assez probable, répondis-je.

— C’est ce que j’ai fait hier soir, dit Uriah ; mais la poire mûrira ! Il n’y a qu’à y veiller. Je puis attendre. »

Et tout en m’accablant d’adieux, il descendit au moment où le conducteur montait sur son siège. Autant que je puis croire, il mangeait sans doute quelque chose pour éviter de humer le froid du matin ; du moins, à voir le mouvement de sa bouche, on aurait dit que la poire était déjà mûre et qu’il la savourait en faisant claquer ses lèvres.


Nous eûmes ce soir-là à Buckingham-Street une conversation très-sérieuse sur les événements domestiques que j’ai racontés en détail, dans le dernier chapitre. Ma tante y prenait le plus grand intérêt, et, pendant plus de deux heures, elle arpenta la chambre, les bras croisés. Toutes les fois qu’elle avait quelque sujet particulier da déconvenue, elle accomplissait une prouesse pédestre de ce genre, et l’on, pouvait toujours