Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/164

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est venue par la poste avant-hier. Je vais aller chercher Émilie dans la ville dont cette lettre porte le timbre. »

Il me le montra. C’était une ville sur les borde du Rhin. Il avait trouvé à Yarmouth quelques marchands étrangers qui connaissaient ce pays-là ; on lui en avait dessiné une espèce de carte, pour mieux lui faire comprendre la chose. Il la posa entre nous sur la table, et me montra son chemin d’une main, tout en appuyant son menton sur l’autre.

Je lui demandai comment allait Ham ? Il secoua la tête :

« Il travaille d’arrache-pied, me dit-il : son nom est dans toute la contrée connu et respecté autant qu’un nom peut l’être en ce monde. Chacun est prêt à lui venir en aide, vous comprenez, il est si bon avec tout le monde ! On ne l’a jamais entendu se plaindre. Mais ma sœur croit entre nous, qu’il a reçu là un rude coup.

— Pauvre garçon ; je le crois facilement.

— Maître David, reprit M. Peggotty à voix basse, et d’un ton solennel, Ham ne tient plus à la vie. Toutes les fois qu’il faut un homme pour affronter quelque péril en mer, il est là ; toutes les fois qu’il y a un poste dangereux à remplir, le voilà parti de l’avant. Et pourtant, il est doux comme un enfant ; il n’y a pas un enfant dans tout Yarmouth qui ne le connaisse. »

Il réunit ses lettres d’un air pensif, les replia doucement, et replaça le petit paquet dans sa poche. On ne voyait plus personne à la porte. La neige continuait de tomber mais voilà tout.

« Eh bien ! me dit-il, en regardant son sac, puisque je vous ai vu ce soir, maître David, et cela m’a fait du bien, je partirai de bonne heure demain matin. Vous avez vu ce que j’ai là, et il mettait sa main sur le petit paquet ; tout ce qui m’inquiète, c’est la pensée qu’il pourrait m’ arriver quelque malheur avant d’avoir rendu cet argent. Si je venais à mourir, et que cet argent fût perdu ou volé, et qu’il pût croire que je l’ai gardé, je crois vraiment que l’autre monde ne pourrait pas me retenir ; oui, vraiment, je crois que je reviendrais ! »

II se leva, je me levai aussi, et nous nous serrâmes de nouveau la main.

« Je ferais dix mille milles, dit-il, je marcherais jusqu’au jour où je tomberais mort de fatigue, pour pouvoir lui jeter cet argent à la figure ! Que je puisse seulement faire cela et retrouver mon Émilie et je serai content. Si je ne la retrouve pas, peut-être un jour apprendra-t-elle que son oncle, qui