Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/172

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Miss Savinia allait faire quelque remarque quand miss Clarissa, qui semblait poursuivie sans cesse du besoin de faire allusion à son frère Francis, reprit la parole.

« Si la mère de Dora, dit-elle, nous avait dit, le jour où elle épousa notre frère Francis, qu’il n’y avait pas de place pour nous à sa table, cela aurait mieux valu dans l’intérêt des deux parties.

— Ma sœur Clarissa, dit miss Savinia, peut-être vaudrait-il mieux laisser cela de côté.

— Ma sœur Savinia, dit miss Clarissa, cela a rapport au sujet. Je ne me permettrai pas de me mêler de la branche du sujet qui vous regarde. Vous seule êtes compétente pour en parler. Mais, quant à cette autre branche du sujet, je me réserve ma voix et mon opinion. Il aurait mieux valu, dans l’intérêt des deux parties, que la mère de Dora nous exprimât clairement ses intentions le jour où elle a épousé notre frère Francis. Nous aurions su à quoi nous en tenir. Nous lui aurions dit « Ne prenez pas la peine de nous inviter jamais, » et tout malentendu aurait été évité. »

Quand miss Clarissa eut fini de secouer la tête, miss Savinia reprit la parole, tout en consultant ma lettre à travers son lorgnon. Les deux sœurs avaient de petits yeux ronds et brillants qui ressemblaient à des yeux d’oiseau. En général, elles avaient beaucoup de rapport avec de petits oiseaux, et il y avait dans leur ton bref, prompt et brusque, comme aussi dans le soin propret avec lequel elles rajustaient leur toilette, quelque chose qui rappelait la nature et les mœurs des canaris.

Miss Savinia reprit donc la parole.

« Vous nous demandez, monsieur Copperfield, à ma sœur Clarissa et à moi, l’autorisation de venir nous visiter, comme fiancé de notre nièce ?

— S’il a convenu à notre frère Francis, dit miss Clarissa qui éclata de nouveau (si tant est qu’on puisse dire éclater en parlant d’une interruption faite d’un air si calme), s’il lui a plu de s’entourer de l’atmosphère des Doctors’-Commons, avions-nous le droit ou le désir de nous y opposer ? Non, certainement. Nous n’avons jamais cherché à nous imposer à personne. Mais pourquoi ne pas le dire ? mon frère Francis et sa femme étaient bien maîtres de choisir leur société, comme ma sœur Clarissa et moi de choisir la nôtre. Nous sommes assez grandes pour ne pas nous en laisser manquer, je suppose ! »