Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/187

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bouchait les oreilles, la tête appuyée contre le même mur que le premier jour.

D’abord elle ma dit qu’elle ne voulait pas venir, puis elle ma demanda de lui accorder cinq minutes à ma montre. Puis enfin elle passa son bras dans le mien ; son gentil petit minois était couvert d’une modeste rougeur ; jamais elle n’avait été si jolie ; mais, quand nous entrâmes dans le salon, elle devint toute pâle, ce qui la rendait dix fois plus jolie encore.

Dora avait peur d’Agnès. Elle m’avait dit qu’elle savait bien qu’Agnès « avait trop d’esprit. » Mais quand elle la vit qui la regardait de ses yeux à la fois si sérieux et si gais, si pensifs et si bons, elle poussa un petit cri de joyeuse surprise, se jeta dans les bras d’Agnès, et posa doucement sa joue innocente contre la sienne.

Jamais je n’avais été si heureux, jamais je n’avais été si content que quand je les vis s’asseoir tout près l’une de l’autre. Quel plaisir de voir ma petite chérie regarder si simplement les yeux si affectueux d’Agnès ! Quelle joie de voir la tendresse avec laquelle Agnès la couvait de son regard incomparable.

Miss Savinia et miss Clarissa partageaient ma joie à leur manière ; jamais vous n’avez vu un thé si gai. C’était miss Clarissa qui y présidait ; moi je coupais et je faisais circuler le pudding glacé au raisin de Corinthe ; les deux petites sœurs aimaient, comme les oiseaux, à en becqueter les grains et le sucre ; miss Savinia nous regardait d’un air de bienveillante protection, comme si notre amour et notre bonheur étaient son ouvrage, nous étions tous parfaitement contents de nous et des autres.

La douce sérénité d’Agnès leur avait gagné le cœur à toutes. Elle semblait être venue compléter notre heureux petit cercle. Avec quel tranquille intérêt elle s’occupait de tout ce qui intéressait Dora ! avec quelle gaieté elle avait su se faire bien venir tout de suite de Jip ! avec quelle aimable enjouement elle plaisantait Dora, qui n’osait pas venir s’asseoir à côté de moi ! avec quelle grâce modeste et simple elle arrachait à Dora enchantée une foule de petites confidences qui la faisaient rougir jusque dans le blanc des yeux !

« Je suis si contente que vous m’aimiez, dit Dora quand nous eûmes fini de prendre le thé ! Je n’en étais pas sûre, et maintenant que Julia Mills est partie, j’ai encore plus besoin qu’on m’aime. »