Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/188

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Je me rappelle que j’ai oublié d’annoncer ce fait important. Miss Mille s’était embarquée et nous avions été, Dora et moi, lui rendre visite à bord du bâtiment en rade à Gravesend ; on nous avait donné, pour le goûter, du gingembre confit, du guava, et toute sorte d’autres friandises de ce genre ; nous avions laissé miss Mills en larmes, assise sur un pliant à bord. Elle avait sous le bras un gros registre où elle se proposait de consigner jour par jour, et de soigneusement renfermer sous clef, les réflexions que lui inspirerait le spectacle de l’océan.

Agnès dit qu’elle avait bien peur que je n’eusse fait d’elle un portrait peu agréable, mais Dora l’assura aussitôt du contraire.

« Oh ! non, dit-elle en secouant ses jolies petites boucles, au contraire, il ne tarissait pas en louanges sur votre compte. Il fait même tant de cas de votre opinion que je la redoutais presque pour moi.

— Ma bonne opinion ne peut rien ajouter à son affection pour certaines personnes, dit Agnès en souriant : il n’en a que faire.

— Oh ! mais dites-le-moi tout de même, reprit Dora de sa voix la plus caressante, si cela se peut. »

Nous nous divertîmes fort de ce que Dora tenait tant à ce qu’on l’aimât.

Là-dessus, pour se venger, elle me dit des sottises, déclarant qu’elle ne m’aimait pas du tout ; et, dans tous ces heureux enfantillages, la soirée nous sembla bien courte. L’omnibus allait passer, il fallait partir. J’étais tout seul devant le feu. Dora entra tout doucement pour m’embrasser avant mon départ, selon sa coutume.

« N’est-ce pas, Dody, que si j’avais eu une pareille amie depuis bien longtemps, me dit-elle avec ses yeux pétulants et sa petite main occupée après les boutons de mon habit, n’est-ce pas que j’aurais peut-être plus, d’esprit que je n’en ait ?

— Mon amour ! lui dis-je, quelle folie !

— Croyez-vous que ce soit une folie ? reprit Dora sans me regarder. En êtes-vous bien sûr ?

— Mais parfaitement sûr !

— J’ai oublié, dit Dora tout en continuant à tourner et retourner mon bouton, quel est votre degré de parenté avec Agnès, méchant ?

— Elle n’est pas ma parente, répondis-je, mais nous avons été’ élevés ensemble, comme frère et sœur.