Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/224

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— Je crois qu’elle m’aurait fait du bien, et qu’avec elle j’aurais pu apprendre bien des choses.

— Tout vient en son temps, mon amour. Depuis de longues années, vous savez, Agnès a eu à prendre soin de son père : même dans le temps où ce n’était encore qu’une toute petite fille, c’était déjà l’Agnès que vous connaissez.

— Voulez-vous m’appeler comme |e vais vous le demander ? demanda Dora sans bouger.

— Comment donc ? lui dis-ie en souriant.

— C’est un nom stupide, dit-elle en secouant ses boucles, mais c’est égal, appelez-moi votre femme-enfant. »

Je demandai en riant à ma femme-enfant pourquoi elle voulait que je l’appelasse ainsi. Elle me répondit sans bouger, seulement mon bras passé autour de sa taille rapprochait encore de moi ses beaux yeux bleus :

« Mais, êtes-vous nigaud ! Je ne vous demande pas de me donner ce nom-là, au lieu de m’appeler Dora. Je vous prie seulement, quand vous songez à moi, de vous dire que je suis votre femme-enfant. Quand vous avez envie de vous fâcher contre moi, vous n’avez qu’à vous dire : « Bah ! c’est ma femme-enfant. Quand je vous mettrai la tête à l’envers, dites-vous encore : « Ne savais-je pas bien depuis longtemps que ça ne ferait jamais qu’une petite femme-enfant ! » Quand je ne serai pas pour vous tout ce que je voudrais être, et ce que je ne serai peut-être jamais, dites-vous toujours : « Cela n’empêche pas que cette petite sotte de femme-enfant m’aime tout de même, » car c’est la vérité, David, je vous aime bien. »

Je ne lui avais pas répondu sérieusement ; l’idée ne m’était pas venue jusque-là qu’elle parlât sérieusement elle-même. Mais elle fut si heureuse de ce que je lui répondis, que ses yeux n’étaient pas encore secs qu’elle riait déjà. Et bientôt je vis ma femme-enfant assise par terre, à côté de la pagode chinoise, faisant sonner toutes les petites cloches les unes après les autres, pour punir Jip de sa mauvaise conduite, et Jip restait nonchalamment étendu sur le seuil de sa niche, la regardant du coin de l’ail comme pour lui dire : « Faites, faites, vous ne parviendrez pas à me faire bouger de là avec toutes vos taquineries ; je suis trop paresseux, je ne me dérange pas pour si peu. »

Cet appel de Dora fit sur moi une profonde impression. Je me reporte à ce temps lointain ; je me représente cette douce créature que j’aimais tant ; je la conjure de sortit encore une fois