Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/232

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que notre militaire amie (c’est ainsi qu’elle appelait toujours le Vieux-Troupier) contribuât à raccommoder les choses. Elle me disait encore que le premier acte du retour au bon sens de notre militaire amie, ce devrait être d’arracher tous ses papillons et d’en faire cadeau à quelque ramoneur pour se déguiser un jour de mascarade.

Mais c’était surtout sur M. Dick qu’elle comptait. Évidemment, cet homme avait une idée, disait-elle, et s’il pouvait seulement la serrer de près quelque jour, dans un coin de son cerveau, ce qui était pour lui la grande difficulté, il se distinguerait de quelque façon extraordinaire.

Ignorant qu’il était de cette prédiction, M. Dick restait toujours dans la même position vis-à-vis du docteur et de mistress Strong. Il semblait n’avancer ni reculer d’une semelle, immobile sur sa base comme un édifice solide, et j’avoue qu’en effet j’aurais été aussi étonné de lui voir faire un pas que de voir marcher une maison.

Mais un soir, quelques mois après notre mariage, M. Dick entr’ouvrit la porte de notre salon ; j’étais seul à travailler (Dora et ma tante étant allées prendre le thé chez les deux petits serins), et il me dit avec une toux significative :

« Cela vous dérangerait, j’en ai peur, de causer un moment avec moi, Trotwood ?

— Mais non, certainement, monsieur Dick ; donnez-vous la peine d’entrer.

— Trotwood, me dit-il en appuyant son doigt sur son nez, après m’avoir donné une poignée de main, avant de m’asseoir je voudrais vous faire une observation. Vous connaissez votre tante ?

— Un peu, répondis-je.

— C’est la femme du monde la plus remarquable, monsieur ! »

Et après m’avoir fait cette communication qu’il lança comme un boulet de canon, M. Dick s’assit d’un air plus grave que de coutume et me regarda.

« Maintenant, mon enfant, ajouta-t-il, je vais vous faire une question.

— Vous pouvez m’en faire autant qu’il vous plaira.

— Que pensez-vous de moi, monsieur ? me demanda-t-il en se croisant les bras.

— Que vous êtes mon bon et vieil ami.

— Merci, Trotwood, répondit M. Dick en riant et en me