Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/258

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— Je ne comprends que trop, monsieur, » répondit-il. Nous parlions à voix basse l’un et l’autre.

« Vous dites que vous l’avez vue ? Croyez-vous pouvoir la retrouver ? car, pour moi, je ne pourrais la rencontrer que par hasard.

— Je crois, maître Davy, que je sais où il faut la chercher. Il fait nuit. Puisque nous voilà, voulez-vous que nous essayions ce soir de la trouver ? »

Il y consentit et se prépara à m’accompagner. Sans avoir l’air de remarquer ce qu’il faisait, je vis avec quel soin il rangeait la petite chambre ; il prépara une bougie et mit des allumettes sur la table, tint le lit tout prêt, sortit d’un tiroir une robe que je me souvenais d’avoir vu jadis porter à Émilie, la plia soigneusement avec quelques autres vêtements de femme, mit à côté un chapeau et déposa le tout sur une chaise. Du reste, il ne fit pas la moindre allusion à ces préparatifs, et je me tus comme lui. Sans doute il y avait bien longtemps que cette robe attendait, chaque soir, Émilie !

« Autrefois, maître Davy, me dit-il en descendant l’escalier, je regardais cette fille, cette Marthe, comme la boue des souliers de mon Émilie. Que Dieu me pardonne, nous n’en sommes plus là, aujourd’hui ! »

Tout en marchant, je lui parlai de Ham : c’était un moyen de le forcer à causer, et en même temps, je désirais savoir des nouvelles de ce pauvre garçon. Il me répéta, presque dans les mêmes termes qu’auparavant, que Ham était toujours de même, « qu’il usait sa vie sans en avoir nul souci, mais qu’il ne se plaignait jamais et qu’il se faisait aimer de tout le monde. »

Je lui demandai s’il savait les dispositions de Ham à l’égard de l’auteur de tant d’infortunes ? N’avait-on pas à craindre quelque chose de ce côté ?

« Qu’arriverait-il, par exemple, si Ham se rencontrait, par hasard, avec Steerforth ?

— Je n’en sais rien, monsieur, répondit-il. J’y ai pensé souvent, et je ne sais qu’en dire. Mais qu’est-ce que ça fait ? »

Je lui rappelai le jour où nous avions parcouru tous trois la grève, le lendemain du départ d’Émilie.

« Vous souvenez-vous, lui dis-je, de la façon dont il regardait la mer et comme il murmurait entre ses dents : «  On verra comment tout ça finira ! »

— Certainement, je m’en souviens !