Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/298

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« Martha ! dis-je en m’avançant vers elle.

— Pouvez-vous venir avec moi ? me demanda-t-elle d’une voix émue. J’ai été chez lui, je ne l’ai pas trouvé. J’ai écrit sur un morceau de papier l’endroit où il devait venir nous retrouver, j’ai posé l’adresse sur sa table. On m’a dit qu’il ne tarderait pas à rentrer. J’ai des nouvelles à lui donner. Pouvez-vous venir tout de suite ? »

Je ne lui répondis qu’en ouvrant la grille pour la suivre. Elle me fit un signe de la main, comme pour m’enjoindre la patience et le silence, et se dirigea vers Londres ; à la poussière qui couvrait ses habits, on voyait qu’elle était venue à pied en toute hâte.

Je lui demandai si nous allions à Londres. Elle me fit signe que oui. J’arrêtai une voiture qui passait, et nous y montâmes tons deux. Quand je lui demandai où il fallait aller, elle me répondit : « Du côté de Golden-Square ! et vite ! vite ! Puis elle s’enfonça dans un coin, en se cachant la figure d’une main tremblante, et en me conjurant de nouveau de garder le silence, comme si elle ne pouvait pas supporter le son d’une voix.

J’étais troublé, je me sentais partagé entre l’espérance et la crainte ; je la regardais pour obtenir quelque explication ; mais évidemment elle voulait rester tranquille, et je n’étais pas disposé non plus à rompre le silence. Nous avancions sans nous dire un mot. Parfois elle regardait à la portière, comme si elle trouvait que nous allions trop lentement, quoique en vérité la voiture eût pris un bon pas, mais elle continuait à se taire.

Nous descendîmes au coin du square qu’elle avait indiqué ; je dis au cocher d’attendre, pensant que peut-être nous aurions encore besoin de lui. Elle me prit le bras et m’entraîna rapidement vers une de ces rues sombres qui jadis servaient de demeure à de nobles familles, mais où maintenant on loue séparément des chambres à un prix peu élevé. Elle entra dans l’une de ces grandes maisons, et, quittant mon bras, elle me fit signe de la suivre sur l’escalier qui servait de nombreux locataires, et versait toute une population d’habitants dans la rue.

La maison était remplie de monde. Tandis que nous montions l’escalier, les portes s’ouvraient sur notre passage ; d’autres personnes nous croisaient à chaque instant. Avant d’entrer, j’avais aperçu, des femmes et des enfants, qui passaient leur tête à la fenêtre, entre des pots de fleurs ; nous avions probablement excité leur curiosité, car c’étaient eux qui venaient ouvrir leurs portes pour nous voir passer. L’escalier était large