Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/333

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pas surpris, car je n’ai pas la prétention d’être un gentleman (bien que je n’aie jamais erre dans les rues, comme vous le faisiez jadis, à ce que raconte Micawber), mais vous ? cela ne vous fait pas peur ? Vous ne songez pas à tout ce que je pourrai faire, en retour, jusqu’à vous faire poursuivre pour complot, etc., etc. ? Très-bien. Nous verrons ! monsieur… Comment vous appelez-vous ? Vous qui vouliez faire une question à Micawber, tenez ! le voilà. Pourquoi donc ne lui dites-vous pas de parler ? Il sait sa leçon par cœur, à ce que je puis croire. »

Il s’aperçut que tout ce qu’il disait ne faisait aucun effet sur nous, et, s’asseyant sur le bord de la table, il mit ses mains dans ses poches, et, les jambes entrelacées, il attendit d’un air résolu la suite des événements.

M. Micawber, que j’avais eu beaucoup de peine à contenir, et qui avait plusieurs fois articulé la première syllabe du mot scélérat ! sans que je lui permisse de prononcer le reste, éclata enfin, tira de son sein la grande règle (probablement destinée à lui servir d’arme défensive), et sortit de sa poche un volumineux document sur papier ministre plié en forme de grandes lettres. Il ouvrit ce paquet d’un air dramatique et le contempla avec admiration, comme s’il était ravi à l’avance de ses talents d’auteur, puis il commença à lire ce qui suit :

« Chère miss Trotwood, Messieurs…


— Que le bon Dieu le bénisse ! s’écria ma tante. Il s’agirait d’un recours en grâces pour crime capital, qu’il dépenserait une rame de papier pour écrire sa pétition. »


M. Micawber ne l’avait pas entendue, et continuait :


« En paraissant devant vous pour vous dénoncer le plus abominable coquin qui, selon moi, ait jamais existé, dit-il sans lever les yeux de dessus la lettre, mais en brandissant sa règle, comme si c’était un monstrueux gourdin, dans la direction d’Uriah Heep, je ne viens pas vous demander de songer à moi. Victime, depuis mon enfance, d’embarras pécuniaires dont il m’a été impossible de sortir, j’ai été le jouet des plus tristes circonstances. L’ignominie, la misère, l’affliction et la folie, ont été, collectivement ou successivement, mes compagnes assidues pendant ma douloureuse carrière. »


La satisfaction avec laquelle M. Micawber décrivait tous les malheurs de sa vie ne saurait être égalée que par l’emphase