Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/355

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le sus qu’après, lorsque je fus en état d’entendre ces tristes détails. Quand je revins à moi, je la vis à mes cotés, versant des larmes de compassion, et ses paroles pleines d’espérance et de paix, son doux visage qui semblait descendre d’une région plus pure et plus voisine du ciel pour se pencher sur moi, vinrent calmer mon cœur indocile, et adoucir mon désespoir.

Il faut poursuivre mon récit.

Je devais voyager. C’était, à ce qu’il paraît, une résolution arrêtée entre nous dès les premiers moments. La terre ayant reçu tout ce qui pouvait périr de celle qui m’avait quitté, il ne me restait plus qu’à attendre ce que M. Micawber appelait le dernier acte de la pulvérisation de Heeps, et le départ des émigrants.

Sur la demande de Traddles, qui fut pour moi, pendant mon affliction, le plus tendre et le plus dévoué des amis, nous retournâmes à Canterbury, ma tante, Agnès et moi. Nous nous rendîmes tout droit chez M. Micawber qui nous attendait. Depuis l’explosion de notre dernière réunion, Traddles n’avait cessé de partager ses soins entre la demeure de M. Micawber et celle de M. Wickfield. Quand la pauvre mistress Micawber me vit entrer, dans mes vêtements de deuil, elle fut extrêmement émue. Il y avait encore dans ce cœur-là beaucoup de bon, malgré les tracas et les souffrances prolongées qu’elle avait subis depuis tant d’années.

« Eh bien ! monsieur et mistress Micawber, dit ma tante, dès que nous fûmes assis, avez-vous songé à la proposition d’émigrer que je vous ai faite ?

— Ma chère madame, reprit M. Micawber, je ne saurais mieux exprimer la conclusion à laquelle nous sommes arrivés. Mistress Micawber, votre humble serviteur, et je puis ajouter nos enfants, qu’en empruntant le langage d’un poète illustre, et en vous disant avec lui :


Notre barque aborde au rivage,
Et de loin je vois sur les flots
Le navire et ses matelots,
Préparer tout pour le voyage.


— À la bonne heure ! dit ma tante. J’augure bien pour vous de cette décision qui fait honneur à votre bon sens.

— C’est vous, madame, qui nous faites beaucoup d’honneur. répondit-il ; puis, consultant son carnet : Quant à l’assistance pécuniaire qui doit nous mettre à même de lancer notre frêle